dimanche 13 décembre 2015

Réforme, vous avez dit réforme ? (2)

         Continuons notre réflexion sur la question brûlante de la réforme de l’Église. Un autre argument central de la pensée des "herméneutes de la rupture" est celui caché sous le reluisant vernis de ce qu'on désigne depuis peu la synodalité. Un néologisme en quelque sorte, puisqu'on ne le trouve pas dans un dictionnaire digne de ce nom, mais qui cache toute une ecclésiologie à rebondissements, et nous rappelle que la crise de l'Eglise est fondamentalement une crise de nature ecclésiologique.

        Qu'est-ce que la synodalité ?

        Disséquons un peu ce mot bizarre, cette nouvelle perle du jargon ecclésiastique contemporain dont on nous rebat les oreilles depuis cinquante ans... 

         Synodalité vient du mot synode. Là dessus, M. de La Palice n'aurait pas dit mieux. La notion de synode est par contre une notion ancienne et vénérable au cœur de l’Église. Synode vient du latin synodus, lui-même du grec "synodos" (de "sun", avec, et "hodos", la route). Le synode signifie donc littéralement "faire chemin ensemble" (expression à la mode dans les bouches ecclésiastiques contemporaines), à l'image des disciples accompagnant le Seigneur sur le chemin d'Emmaüs. Bien sûr, il ne faut pas s'arrêter à l'étymologie, comme certains qui vont utiliser ce subterfuge pour donner une nouvelle signification à un terme ancien en faisant croire qu'il s'agit de sa signification originelle (le fameux archéologisme, encore à la mode depuis un demi-siècle, en liturgie particulièrement). 

      Le synode désigne donc concrètement une réunion, une assemblée des membres du clergé autour de l'évêque diocésain ou de l'archevêque métropolitain. Lorsque nous ouvrons le Cérémonial des évêques promulgué en 1600 par le pape Clément VIII, nous avons un chapitre décrivant les rites liturgiques à suivre à l'occasion de la réunion d'un synode diocésain ou provincial. De même, dans le Pontifical romain du même Pontife, nous avons les prières exactes associées à cette cérémonie. Une telle liturgie nous représente l'ancienneté de cette institution synodale, qui est loin d'être une simple réunion pour maniaques de la "réunionite" aiguë, qui triomphe depuis quelque temps dans les diocèses occidentaux... 

Le Concile de Trente (1545-1563), un synode déterminant pour l'histoire de l’Église

       Au terme de ces assemblées proprement ecclésiastiques, l'évêque ou l'archevêque métropolitain, en union avec ses suffragants (les évêques des diocèses dépendant de sa métropole), promulguait un certain nombre de décisions conformes aux questions spécifiques traitées à l'occasion du synode, qu'on appelait les statuts synodaux. Il suffit de lire les nombreux exemples conservés dans les archives diocésaines, paroissiales ou départementales, pour constater la qualité de travail et l'intérêt proprement religieux de ces assemblées et de leurs fruits. Rien à voir avec les grandes réflexions social(ist)es et écologiques à la mode dans le soi-disant magistère épiscopal (et même plus haut) contemporain... 

      A une échelle plus élevée dans l’Église, le synode devient le concile. Dès les premiers siècles de l’Église, il était fréquent que les évêques se réunissent entre eux (concile provincial ou "national") ou sous l'autorité du Pontife romain, reconnu dans sa primauté doctrinale et juridictionnelle sur l’Église universelle (concile œcuménique ou plénier), pour résoudre des difficultés d'ordre doctrinal ou disciplinaire regardant en fin de compte l'ensemble des baptisés. On ne peut pas faire l'impasse sur les grands conciles théologiques des premiers siècles, qui ont forgé la doctrine chrétienne en assurant le "développement homogène" de la foi (Nicée, Constantinople, Éphèse, Chalcédoine, etc.). On ne peut pas oublier les grands conciles médiévaux et modernes qui ont continué à préciser cette doctrine en donnant des critères disciplinaires décisifs pour la sanctification des prêtres, des religieux et des fidèles, tout en combattant ces erreurs et ces égarements qui cherchaient à briser l'unité de l’Église qu'on appelle les hérésies (Latran IV, Lyon II, Florence, Trente). 

      Le concile (le synode) a donc une vocation de souligner d'une manière particulière l'unité de l’Église, mais une unité autour de principes immuables, à travers des "rappels" adaptés au problème des mutations culturelles et sociales, non pas une unité "à tout prix" au risque de concessions perpétuelles aux évolutions du monde. Cette unité est foncièrement et visiblement représentée par le fondement de l'autorité dans l’Église, celui à qui le Christ a remis perpétuellement un pouvoir unique et inséparable, Pierre, le Souverain Pontife, le Pape, le chef de du Collège apostolique et de l’Église universelle. 

     La notion de primauté a dérangé tout au long de l'histoire de l'histoire. Elle a dérangé les hérésiarques qui ont rejeté cette garantie pour prendre la voie d'une liberté d'esprit débridée, autrement dit la voie de l'orgueil et de la désobéissance. Elle a dérangé certains princes qui ont vu dans le Pape un compétiteur qui se mêlait de leurs affaires et les empêcher d'assouvir leurs ambitions dominatrices. Elle a aussi malheureusement dérangé des ecclésiastiques mêmes, qui, sous prétexte de réforme institutionnelle, ont mis en oeuvre une sorte de compromis ecclésiologique qui s'est avéré un échec : le conciliarisme.

       Le conciliarisme est une thèse développée au XVème siècle suite à la grave crise que fut le Grand Schisme d'Occident, qui divisa la Chrétienté de 1378 à 1417, avec des obédiences autour de deux ou trois papes choisis simultanément. Évidemment, cette division préjudiciable à l'unité de l’Église était plus politique que religieuse, les princes choisissant leur "poulain" en fonction des jeux d'alliances et d'oppositions. Le concile de Constance (1417) a mis un terme au schisme, en imposant l'abdication des trois papes et en élisant un nouveau et unique Souverain Pontife, Martin V. Tout cela avait malheureusement discrédité le pouvoir pontifical et invité les princes rebelles à se relancer dans les vieilles querelles des investitures. Ad intra, même, certains en étaient venu à affirmer la nécessité de réunir un concile quasi-permanent pour contrebalancer le pouvoir pontifical et prévenir tout risque de schisme ultérieur. Malheureusement, cette théorie, dite conciliarisme, élaborée lors du concile de Bâle (1431), loin d'assurer la stabilité de l'institution pontificale, jouait un véritable rôle de contre-pouvoir, suscitant divisions internes et suspicions permanentes, et finissait par faire prévaloir le concile sur le Pape. Finalement, une crise conciliaire succédait au Grand Schisme, et fut définitivement résolue par le pape Jules II au Concile de Latran V, en 1517, qui condamna expressément la doctrine conciliariste.

Le bienheureux Pie IX (1792-1878), le pape de l'infaillibilité

         On était donc revenu dans l'affirmation du primat pontifical. Mais cela n'empêcha pas les attaques fréquentes des partisans d'une certaine indépendance des Églises locales, qu'on peut désigner par le nom de gallicanisme, théorie plus politique que religieuse qui, en France surtout, entraîna de graves conflits entre le roi et le pape. Sans entrer dans cette question complexe du gallicanisme, il ne faut pas oublier que cette théorie triompha lors de la Révolution française avec la Constitution civile du clergé, qui entérinait un schisme concret de l’Église de France (qu'on appellera l’Église constitutionnelle) avec Rome. Déjà auparavant s'était réuni le fameux synode de Pistoia (1786), réuni à l'initiative du grand-duc Léopold de Toscane (futur empereur Léopold II). Ce synode, établi sur les principes condamnés du joséphisme (sorte de gallicanisme radical à l'autrichienne), voulait réaffirmer l'autorité des Églises locales (diocèses) aux dépens de Rome, abolir une partie des ordres religieux, réformer la liturgie, convoquer un concile permanent à l'échelle nationale. Le pape Pie VI réagit énergiquement et condamna les propositions du funeste synode en 1794.

       Au XIXème siècle, siècle de reconstruction religieuse après la tornade de la révolution, le pouvoir pontifical connut un nouvel éclat, spécialement en la personne de Pie IX, qui réunit un concile œcuménique au Vatican (1870-1871), au cours duquel fut proclamé le dogme de l'infaillibilité pontificale : 

     Nous enseignons et proclamons comme un dogme révélé de Dieu :
    Le pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l'Église, jouit par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l'Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église.
    Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu'il soit anathème. (ch. IV)
        Le concile fut interrompu par l'attaque de Rome par les Piémontais. Il manquait donc un complément ecclésiologique concernant l'épiscopat, ce dont se chargea le deuxième concile du Vatican.

       Malheureusement, entre-temps, les doctrines conciliaristes étaient sorties de l'oubli. Le libéralisme sous toutes ses formes avaient aussi, ne l'oublions pas, fait de grands ravages dans la pensée ecclésiastique, et ce malgré les condamnations des papes, spécialement celles de saint Pie X. Nous n'entrerons pas ici encore dans les mécanismes subtils de cette "contamination intellectuelle" qui continue de faire les ravages que l'on sait au sein du clergé et des fidèles. Sur le seul plan ecclésiologique, le modernisme a voulu imposer un contrepoids à l'autorité suprême de Rome. Il suffit de lire les écrits de certains théologiens, pas seulement les traités proprement théologiques mais aussi les mémoires et les lettres, pour se rendre compte de cette haine viscérale de Rome, de la Curie, du Saint-Siège, du primat et de l'infaillibilité, autant de réalités vénérables qui faisaient écumer ces possédés de l'esprit de réforme systématique.

         Et là le Concile Vatican II arriva, tel un deus ex machina pour ces machinateurs de l'ombre, qui ont trouvé la brèche où se glisser pour infuser le poison de leur ecclésiophobie. La minorité rebelle et orgueilleuse a finalement converti à sa pensée la majorité respectueuse et honnête, qui s'est laissée berner par l'enthousiasme quasi-extatique des "années-Concile". Le 21 novembre 1964, Paul VI promulguait la Constitution Lumen gentium "sur le mystère de l'Eglise", après d'inlassables querelles et tergiversations. La veille de la promulgation, des cardinaux, bouleversés par le danger de certaines propositions avancées dans le document conciliaire, vinrent faire le siège du pape pour réclamer l'ajout d'une note explicative préliminaire (Nota explicativa praevia) donnant une précision vitale rétablissant le primat du pape. Pour la première fois dans l'histoire de l’Église, un document conciliaire était assez ambigu pour obliger une explication simultanée ! Drôle de clarté pour un langage soi-disant "adapté à notre temps"... Sans cette note, le conciliarisme triomphait et retirait subrepticement au pape une grande part de ses attributions comme Pasteur suprême de l’Église. En effet, le chapitre III présentait plus ou moins l’Église comme un collège de membres égaux, dont le pape n'était qu'un président délégué, et non plus comme le principe de la communion hiérarchique tirant son pouvoir directement de Dieu (à la différence des autres évêques). 

       Malheureusement, la Nota ne fit qu'exacerber les pulsions anti-romaines de nos modernistes, qui, à travers le concept de collégialité, ont entraîné les ravages que nous connaissons et qui risquent malheureusement de s'aggraver.

      L’Église au risque de la collégialité

      Après ce petit aperçu historique de l'ecclésiologie catholique, venons-en au fait : la question de la collégialité, qui se confond en somme avec la notion nouvelle et extravagante de "synodalité". 

      Revenons-en à ce terme étrange de synodalité. Néologisme certes, dont on veut nous faire croire qu'il représente une réalité traditionnelle de l’Église. Bref, un retour aux sources de l’Église, ce doux rêve des réformateurs, qui estiment que la perfection de l’Église des premiers siècles a été perdue aux siècles suivants. Tant qu'à faire, pour jouer au chrétien des premiers siècles, on n'a qu'à porter une toge et dire la messe dans les catacombes... Bref, fidèles à leurs grotesques élucubrations, nos archéologistes chevronnés avancent que la synodalité, au sens de la tragi-comédie romaine d'octobre dernier, est un fondement de l’Église. Pire encore, si aucun pape n'a employé ce terme jusqu'aujourd'hui, il semble qu'on veuille en faire depuis quelques mois une nouvelle vérité dogmatique, voire une nouvelle note de l’Église, "une, sainte, catholique, apostolique... et synodale !". Synodale ayant remplacé romaine, ne nous leurrons pas...

       La synodalité désigne, dans l'esprit touffu de nos "réformateurs françoisiens", une décentralisation de l'autorité dans l’Église (un peu comme la décentralisation des compétences de l’État en France) au profit d'institutions intermédiaires désormais consacrées (alors que ce ne sont que des créations récentes, nullement de droit ecclésiastique et encore moins de droit divin), les conférences épiscopales. Cette décentralisation passe par une "réforme de la papauté" (pape François), dont on ne sait pas ce qu'elle va signifier concrètement, mais aussi une réforme de la Curie, qui passe déjà par le limogeage intensif que l'on connaît, accéléré par les coups de bâton assénés en permanence contre les "malades" qui se traînent au Vatican. Cette décentralisation correspond à cet "aller-vers les périphéries". On ne veut plus que Rome soit le centre. On veut accorder des attributions doctrinales aux conférences épiscopales. On veut faire de l'inculturation le moteur même de l'évangélisation. Mais comment sinon en adaptant à tout-va l'enseignement de l’Église, et spécialement la discipline et la morale, en fonction des évolutions locales. Nous avons évoqué dans notre premier chapitre cette question brûlante de l'adaptation. 

Le cardinal Kasper. Non, Éminence, ne criez pas victoire trop vite !

            Une synodalité ainsi exprimée reflète-t-elle une réalité traditionnelle de l’Église ? On ne saurait le croire sans renier mille ans d'histoire de l'Eglise, avec cette fâcheuse habitude de taper du sucre sur le dos de ses prédécesseurs en vertu du syndrome de la "repentance" à toutes les sauces. Comme on tape d'ailleurs sur la Curie devant les journalistes, pour faire croire qu'on veut la transparence, alors qu'on donne au contraire le bâton pour se faire battre... La synodalité est une revanche contre l'histoire, contre Latran V, contre Vatican I, contre la Nota explicativa praevia. Cinquante ans après le dernier concile, les ravages du libéralisme ont encore plus contaminé l'épiscopat et le Sacré-Collège, dont certains sont devenus des adeptes invétérés, osant même devant les caméras prôner des doctrines qui leur auraient valu une déposition en règle, une relégation dans un couvent ou, en d'autres temps, le cul de basse-fosse du Castel Sant'Angelo.

          Les premiers siècles heureusement ne mangeaient pas de ce pain synodal. Leur "synodalité à eux" était tout autre. D'ailleurs, elle a subsisté, d'une manière différente, dans les Eglises orientales, pour des raisons historiques. Si en Occident, le primat romain s'est imposé sur les Eglises locales, en Orient, nous avons à faire à de grandes provinces ecclésiastiques gouvernées par des patriarches (en communion avec Rome pour les non-schismatiques), au sein desquelles sont prises les décisions disciplinaires, sont précisées les notions doctrinales et sont élus les évêques. L'élection (le choix) des évêques a toujours été une question complexe. En Europe, en certains lieux encore, a subsisté l'élection des évêques par les chapitres diocésains, avant la validation (ou le refus) par le Pontife romain. Malgré tout, on sait que les épiscopats proposent les noms des candidats à l'épiscopat aux nonciatures, qui les transmettent à Rome pour être soumis au choix ultime du Souverain Pontife. La primauté reste toujours (même si, malheureusement, la liste initiale a parfois tendance à rester dans une optique de cooptation). La synodalité orientale n'a donc absolument rien à voir avoir nos gesticulations synodales d'octobre dernier.

         Allons plus loin. Si la "théorie de la synodalité"  - appelons-là ainsi pour cerner le problème qui nous occupe - conteste le primat et réhabilite le conciliarisme condamné, pour finalement tout transformer dans l’Église et ouvrir la porte à tous les bouleversements doctrinaux et disciplinaires qu'on peut craindre, ne faut-il pas objectivement la combattre ? La répondre est claire : oui. Mais alors, faut-il combattre le pape François ? La réponse est aussi claire : non ! Parce que ce que veulent les tenants de cette théorie, c'est justement de bouleverser le trône pétrinien, de provoquer les désunions internes, de faire de Rome une nouvelle Rome, la Rome synodale. La fidélité à l’Église et à son enseignement ne peut nous inviter, en aucune façon, à prendre la voie de la contestation de l'autorité pontificale. Il faut combattre la théorie avec les armes de l'intelligence, comme d'éminents clercs et laïcs l'ont fait jusqu'ici, au risque de perdre leur crédit ou leur poste. La décentralisation que cache la synodalité n'est pas juste une réforme structurelle, un perfectionnement institutionnel. L’Église n'en a pas eu besoin durant des siècles, pourquoi en aurait-elle besoin aujourd'hui ? Surtout à l'âge du numérique et d'internet, les contacts entre Rome et les "périphéries" vont vite. Cette décentralisation synodalisante n'est rien d'autre qu'une déstructuration centripète. L'unité visible (et fondamentale) de l’Église se fonde sur Pierre. Punto e basta. Si Pierre n'est plus qu'un référent honorifique, qu'un porte-parole suprême, qu'un président délégué, alors le fondement se craquelle et l’Église s'écroule. Nous l'avons vu au cours de ce dernier synode. On a laissé parlé librement tout le monde sans modération. Résultat, faute de direction ferme du Docteur universel, une décharge d'hérésies en tout genre a été versée dans l'aula synodale. Par des évêques en plus. On imagine donc ce que ça donnera en dehors de Rome !

L'Eglise, face aux tempêtes, doit s'appuyer sur l'Eucharistie et sur la Vierge Marie

      Une authentique réforme de l’Église ne joue pas sur ce terrain mouvementé de la synodalité. Elle suppose d'établir le juste équilibre, comme d'habitude, qui passe par ce qu'on peut appeler l'humilité ecclésiale. L'humilité du Pontife romain qui accepte sa charge telle qu'elle est et l'exécute fidèlement, avec sa personnalité, mais en mettant ses propres idées sous le boisseau, et sans chercher à changer tout dans l’Église (qui suis-je pour tout changer ?). L'humilité des évêques, qui manifestent une soumission totale à l'enseignement pérenne de l’Église, et qui, unissant la vérité à la charité, touchent les âmes par la douceur de l’Évangile, et non par l'hypocrisie mondaine. L'humilité des fidèles qui, loin d'exiger des changements dans l’Église, comme des syndicalistes surexcités, acceptent fidèlement et courageusement le joug et le fardeau du Christ. Car le Christ nous l'a dit. La fidélité à sa personne et à son enseignement n'est pas facile. C'est un joug et un fardeau. Mais, si nous l'acceptons humblement, le joug sera doux et le fardeau léger. 

       La vraie réforme passe aussi par l'adaptation équilibrée dont nous parlions. Ce n'est pas le sens des mots que nous devons changer, comme le font les Kasper et compagnie, maîtres dans l'art de la dissimulation terminologique. Nous avons vu les conséquences graves du changement des mots dans les idéologies (révolution française, marxisme, fascisme, etc.). En jouant avec les mots, on peut faire passer tout et son contraire. L'explication des vérités de la foi, comme nous l'ont montré les Pères et Docteurs de l’Église, passe par la conservation de concepts possédant la signification la plus authentique possible. Les mots "consubstantiel" et "transsubstantiation" sont immuables. Pourquoi au XXIème siècle, on les comprendrait moins qu'au XVIème siècle ? Il suffit ensuite de les expliquer avec un langage simple, intelligemment adapté, mais le plus conforme possible. L'explication de la foi interdit l'approximation et l'ambiguïté ! Le langage de la synodalité, malheureusement, nous a montré le contraire. 

       Quant au fait de déléguer certaines attributions au niveau local, on peut comprendre la légitimité d'une telle proposition. D'une part, les Congrégations romaines ne sont pas au fait de tout ce qui peut se passer dans le moindre village d'Amazonie ou de Mongolie, et une certaine marge de manœuvre doit être déléguée pour empêcher des retards néfastes au progrès de l'évangélisation. D'autre part, les décisions romaines, exprimées dans le sens de l'unité, devraient tenir compte plus souvent des particularismes locaux qui, sans réclamer une dérogation à la loi commune, exigent, pour que les lois de l’Église soient efficacement et positivement mises en œuvre, une certaine adaptation. Seulement la question se pose : en quoi les conférences épiscopales seraient plus efficaces que Rome, dès lors que Rome porte un intérêt plus concret aux questions locales ? En outre, si l'on confiait aux conférences épiscopales nationales certaines attributions disciplinaires et doctrinales, cela exige de manière absolue le droit de veto du Saint-Siège, des échanges fréquents entre la Curie et les conférences, une transparence totale des informations, des compte-rendus réguliers aux Congrégations romaines. Sans cela, c'est la porte ouverte à l'anarchie, à la désagrégation de l'unité, à la création d’Églises autocéphales omnipotentes, bien souvent au détriment des simples évêques (soumis aux desiderata des conférences), en tout cas au détriment du bien de l’Église universelle. 

       Qu'est-ce donc que l’Église au risque de la synodalité, sinon la tunique du Christ qui risque une fois pour toutes d'être bel et bien coupée en deux ? Heureusement, "les portes de l'enfer ne prévaudront point", et, après cet hiver que traverse l’Église, le printemps d'une authentique réforme surgira. C'est par l'Eucharistie et par la Vierge Marie que l’Église se sortira du mirage de la synodalité.

mercredi 2 décembre 2015

Noël à l'allemande

Non ce n'est pas une pièce d'orgue du XVIIIème siècle. C'est le beau spectacle que nos amis Allemands, et ceux qui ont la chance de visiter ce beau pays durant l'Avent, ont devant leurs yeux pendant ces semaines préparatoires à Noël. Si les forcenés du laïcisme veulent jeter la crèche aux orties de notre côté du Rhin, traversons le fleuve pour voir la place qu'occupe cette belle fête de Noël chez nos voisins, qui n'ont pas ce genre de scrupules paranoïaques !

Outre les belles crèches qui ornent en Allemagne les églises, les places et les maisons, nous avons aussi ces beaux marchés de Noël (Weihnachtsmärkte), qu'on trouve un peu chez nous, surtout dans l'est et le nord de la France. Rien à voir avec ces artificielles devantures éblouissantes des magasins de jouets en tout genre (et du plus mauvais d'ailleurs) et les bousculades surexcitées des hypermarchés ! Le marché de Noël allemand a lieu dans le cœur historique des villes, dans un cadre exceptionnel (les Allemands savent mettre en valeur leur patrimoine, tirons-en des leçons !), qui donne une touche festive, sacrée et traditionnelle à ce temps de préparation à la Nativité. 

Les marchés de Noël allemands ne datent pas d'hier. L'un des plus anciens, celui de Dresde, a été fondé par l'électeur Frédéric II de Saxe, en 1434.  Par la suite, ils se multiplièrent, permettant aux travailleurs des montagnes de venir vendre les jouets en bois confectionnés par leurs soins. Le marché de Noël est donc une tradition pluriséculaire.

Il faut donc y aller pour les voir, en dégustant quelques Christollen (eh oui, vous avez bien lu "Christ", messieurs les laïcards !) et un bon verre de Glühwein (ça ne peut pas faire de mal !), en flânant entre ces boutiques offrant les plus belles réalisations de l'artisanat traditionnel et de bonnes idées de cadeaux pour les fêtes qui approchent. Et n'oublions pas de contempler ces clochers imposants illuminés et ces maisons à colombage, qui font la fierté des cités allemandes, et de pénétrer dans ces églises gothiques et baroques, d'une propreté à faire rougir de honte les communes françaises, véritables joyaux d'art et de prière.

Voici quelques vues des principaux marchés de Noël en Allemagne. Asseyez-vous et contemplez avant d'acheter votre billet !

Le marché de Brême, ville hanséatique baignée par la Weser

Le marché de Dresde, capitale de la Saxe royale, sous la neige

Le marché de Francfort (sur-le-Main)

Le marché d'Heidelberg, au pied des ruines du château des Électeurs palatins

Le marché de Cologne, dominé par la splendide cathédrale gothique

Le marché de Munich, au cœur de la catholique Bavière

Le marché de Nuremberg, joyau du gothique allemand
Le marché de Bad Wimpfen, en Bade, ancienne ville libre impériale

Le marché de Hamelin, sur la Weser, en Basse-Saxe - la ville du joueur de flûte (Rattenfänger)

Retour dans le nord, avec le marché de Lübeck, la "reine de la Hanse", sur la mer Baltique (petit clin d’œil !)

vendredi 27 novembre 2015

La cantate "Nun komm der Heiden Heiland" de Bach

Nous entrons dans le temps liturgique de l'Avent, préparation à la grande fête de Noël. La musique illustre d'une manière particulière cette période de l'année chrétienne, et en particulier notre grand Johann Sebastian Bach, au fil de ses cantates sacrées.

Parmi celles-ci, trois ont été consacrées au premier dimanche de l'Avent (BWV 61, 62 et 36 dans le catalogue des œuvres de Bach), dont les deux premières commencent par les mêmes paroles : "Nun komm der Heiden Heiland", venez maintenant, Sauveur des païens, et, quoique sur des thèmes différents, évoquent prodigieusement le thème central du temps de l'Avent.

Erdmann Neumeister (1671-1756), compositeur du libretto
La première de ces cantates (BWV 61) est la plus célèbre. Elle fut composée en 1714, alors que notre compositeur venait de prendre à Weimar la charge de Concertmeister. Rappelons que, dans les principautés luthériennes allemandes, la musique occupait une place quasi-institutionnelle dans le cadre du culte. Des ordonnances spéciales étaient prises par le gouvernement de ces principautés afin d'organiser le culte ; un grand nombre d'entre elles furent consacrées à la musique d'église. La cantate constituait la "musique principale" de la liturgie, à côté des pièces d'orgue. Parfois introduite par un prélude instrumental, la cantate est découpée en plusieurs parties (chœurs, chorals, arias, récitatifs), distribuées entre les différents moments de la célébration.

La cantate de l'Avent commence par un chœur en la mineur, qui fait appel à la venue du Christ Sauveur, attendu depuis des siècles par les prophètes de l'antique Alliance : "Venez maintenant, Sauveur des païens, reconnu comme enfant de la Vierge, afin que le monde entier s'étonne que Dieu ait commandé pour lui une telle naissance". Ce sont ces paroles que tout le reste du libretto (c'est-à-dire du texte littéraire composé pour être adapté musicalement) du théologien Erdmann Neumeister va développer en adéquation avec un véritable commentaire musical. Le chœur initial est marqué par la gravité (lenteur) et la solennité (vivacité), typique de l'ouverture alla francese, signifiant l'annonce de la venue du Rédempteur, son entrée dans le monde, à l'image de son entrée royale dans Jérusalem au jour des Rameaux (d'ailleurs, c'est l’Évangile des Rameaux qui fut choisi par Luther pour le premier dimanche de l'Avent), et en même temps la manifestation de la Majesté divine à une humanité dans l'attente de son salut. La royauté du Christ est le leitmotiv de cette ouverture.

Comme le souligne Gilles Cantagrel, le motif initial du chœur d'ouverture correspond au motif en croix (Kreuzmotiv), caractéristique de l'expression de la douleur, repris par Bach dans le cri de condamnation de la Passion selon saint Matthieu (Lass ihn kreuzigen !, Crucifie-le !). Un tel motif souligne le lien, évident dans la pensée d'un compositeur nourri par les Écritures, entre la Nativité et la Passion, le Christ étant venu sur terre afin de se sacrifier pour racheter les péchés des hommes.

A noter aussi que les paroles initiales (Nun komm der Heiden Heiland) sont répétées à quatre reprises, par les quatre voix dans un ordre bien déterminé (soprano, alto, ténor et basse), illustrant un mouvement descendant du Ciel vers la terre, autrement dit le mystère de l'Incarnation, de la descente du Verbe de Dieu dans l'humanité. La dernière partie se conclut brièvement et majestueusement pour rappeler que c'est la volonté divine (Gott... bestellt) qui se manifeste avant tout à travers cette venue du Christ Sauveur.

La partition originale de Johann Sebastian Bach

Suit un récitatif de ténor (mvt 2) loue l'Incarnation du Fils de Dieu et l'inépuisable générosité de Dieu envers les hommes. Was hast du nicht an uns getan ? Que n'avez-vous pas fait pour nous ? Le récitatif est le moment privilégié de la catéchèse, de l'enseignement sur les vérités de la foi pour l'élévation spirituelle du chrétien.

Le ténor continue dans une aria (mvt 3) où il chante l'espérance des chrétiens envers leur Sauveur et implore la venue du Christ (Komm, Jesu, komm zu deiner Kirche) pour sa gloire (Befördre deines Namens Ehre, Répandez l'honneur de votre Nom) et la bénédiction de son Église (segne Kanzel und Altar, Bénissez la chaire et l'autel). Ce qui n'est pas évidemment un thème exclusivement luthérien, nous le voyons.

La voix de basse intervient alors dans un récitatif (mvt 4) : c'est la voix du Christ qui annonce sa présence à notre porte et s'invite à souper. Le repas occupe une place essentielle dans l'Evangile, et avant tout la dernière Cène, lieu de l'annonce des plus grands mystères (rédemption, eucharistie, sacerdoce) et des plus profondes vérités (amour du prochain) de l'enseignement du Christ. Ici, le libretto reprend mot pour mot le récit de l'Apocalypse (3, 20) :  "Voici que je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi". Les pizzicatos des cordes illustrent à merveille le Christ frappant à la porte !


Changement de tonalité avec une aria pour voix de soprano (mvt 5, en sol majeur). C'est l'âme chrétienne qui manifeste sa prière joyeuse à son Sauveur qui vient de frapper à la porte de son cœur. Öffne dich, mein ganzes Herz, Ouvre-toi entièrement, mon cœur. L'âme prie le Seigneur de faire d'elle sa demeure (Dass ich seine Wohnung werde) pour son propre bonheur, mais aussi pour la joie de son Sauveur. C'est la "lumière de la grâce", rappelle G. Cantagrel, qui semble se répandre à travers cette aria. L'Avent est, comme le Carême, une période privilégiée de nouvelle conversion pour le chrétien, qui doit abandonner les plaisirs de ce monde pour accueillir Dieu seul dans la pureté de son cœur. Une partie centrale, adagio, exprime la vanité de l'homme qui ne peut trouver son bonheur qu'en Dieu. 

Enfin, la conclusion est à la hauteur de l'ouverture, avec un choral (mvt 6, en sol majeur aussi) qui termine la prière de l'âme (Amen, amen) tout en appelant joyeusement et solennellement le couronnement réservé aux saints (Komm, du schöne Freudenkrone) tant attendu par l'âme chrétienne (Deiner wart ich mit Verlangen, je t'attends avec désir). L'achèvement en douceur sur une "volubile arabesque" (Cantagrel) des violons et altos, est comme le retour au Ciel de l'âme sauvée par Celui qui est descendu dans le premier mouvement (quadruple Nun komm). Ce Ciel vers où les yeux du chrétien regardent durant l'Avent pour implorer la venue du Messie.

Voici une interprétation réalisée sous la baguette du grand maître du baroque autrichien, Nikolaus Harnoncourt,  en 1975, avec le Tölzer Knabenchor et le Concentus musicus Wien. A noter la magnifique prestation du ténor autrichien Kurt Equiluz.


Note : la majeure partie de cet article s'appuie sur le chapitre consacré par Gilles Cantagrel à cette cantate dans son ouvrage majeur et incontournable, Les cantates de J.-S. Bach.

samedi 21 novembre 2015

Les quarante ans de la mort de Francisco Franco

Nous fêtons cette année le quarantième anniversaire de la mort de Francisco Franco y Bahamonde (1892-1975), Caudillo d'Espagne, qui a gouverné le royaume de 1939 à sa mort. Je me rappelle avoir prié avec émotion sur sa tombe, en la basilique de la Valle de los Caidos, voici quelques années, pour lui et pour tous les Espagnols qui sont tombés pour ce noble pays, de quelque bord qu'ils fussent, durant la tragique guerre civile de 1936-1939.

Le personnage de Franco a fait couler beaucoup d'encre, et il continuera à en faire couler. Comme tous les hommes politiques d'une certaine droite forte, nationaliste, protectionniste, d'inspiration catholique, il est arbitrairement rangé dans l'album de la damnatio memoriae, au même titre que les Hitler, les Mussolini et les Staline. Si la critique interne et externe de son gouvernement s'est peu faite entendre durant sa vie, c'est un véritablement déferlement médiatique, culturel et politique qui cherche, depuis quarante ans, à défigurer sa mémoire, à en faire un tyran, une brute sanguinaire, un déséquilibré dangereux, et caetera. Sans compter que c'est un bon moyen de s'en prendre une fois encore à l’Église catholique, en l'accusant de protéger les "méchants fascistes" contre les "gentils communistes", et j'en passe, on connaît la chanson.

Face à une vision unique de l'histoire


Ce n'est pas en quelques lignes que nous allons remettre les pendules à l'heure. Si nous n'acceptons pas de voir sa personne clouée au pilori, nous ne cherchons pas non plus à le porter aux nues - Dieu seul est juge ! L'objectivité historique et la vision catholique (équilibrée, intelligente et dénuée de tout préjugé) de l'histoire doit fonder notre critique. Et cette critique n'a pas peur des sirènes d'une certaine censure contemporaine, qui, au nom de la lutte contre les négationnismes et révisionnismes de toute sorte (pas tous, semble-t-il, la Vendée par exemple n'en faisant pas partie), interdit toute honnête réflexion historique. Cette même critique qui va ranger systématiquement Franco dans la catégorie des "méchants dictateurs", sur la base d'une histoire stéréotypée de la guerre civile d'Espagne et du régime franquiste, foncièrement "droitophobe" et anti-catholique. C'est toujours pareil. Sur la question de la guerre civile, pour ne m'arrêter là, il suffit d'abord de rappeler qu'il s'agit d'une guerre civile, et non d'un putsch militaire, opposant entre eux les enfants d'un même pays. Dans une guerre civile, il faut choisir son camp et ne pas tergiverser. En tant que catholique, je ne peux pas avoir d'autre solution que de suivre les nationalistes. Pourquoi ? Parce que les autres, les républicains, avaient pendant cinq ans (1931-1936), et ensuite, pendant les trois années sanglantes qui suivront, non seulement engagé une politique de division, mais aussi déclaré une véritable guerre à l’Église catholique, en profanant les églises, en dépouillant de leurs biens les couvents, en insultant, brutalisant sinon massacrant de nombreux clercs et fidèles. Il suffit de savoir compter ! Voilà le dénombrement (en 2008) des catholiques tués en haine de la religion, certains ayant ensuite été béatifiés par l’Église : plus de 10 000 catholiques ont été martyrisés, dont 12 évêques, une trentaine de séminaristes, plus de 4140 prêtres, 2635 religieux et 238 religieuses et environ 3000 laïcs. Après cela, qu'on ne me parle pas en noir et blanc des "gentils républicains" et des "méchants nationalistes" ! Je laisse la parole au sage pape Pie XI, qui dénonçait, loin des détours et contorsions intellectuelles de notre époque, "la haine satanique de Dieu professée par les républicains".  L'historien espagnol Bartolomé Benassar écrivait que cette persécution n'était pas juste un débordement lié à un temps d'anarchie, mais qu'il "existait bel et bien un projet de destruction de l'Église catholique et de la religion". N'en déplaise à ces gesticulateurs improvisés historiens qui se glorifient de leurs thèses négationnistes en la matière... Voici quelques photos illustrant bien la réalité de cette persécution :

Des cercueils de religieuses profanés à Barcelone en 1936
Les dignes fils de la Révolution en pleine profanation. De gentils inconscients ?
Un prêtre exécuté en 1936. Nous émeut-il moins que F. Garcia Lorca ?
La question ne se pose même pas pour moi, en tant que catholique : je ne peux pas tolérer les agissements des Rojos, je ne peux que prendre le parti des Azules. Évidemment, cela ne peut pas dire que je soutiens les exactions commises durant la guerre : si je condamne absolument les crimes des républicains, je ne peux approuver ceux des nationalistes. Dans toute guerre, il y a des exactions, des vengeances, exacerbées au fil des jours et des mois d'un conflit qui s'enlise. L’Église a toujours condamné les exactions. C'est pourquoi, dans le bilan de cette guerre, n'allons pas trop vite en besogne, en faisant grossir les chiffres pour faire connaître le "vainqueur ès atrocités" du conflit. Après une guerre, on cherche la paix. Franco a voulu cette paix, a voulu réconcilier les Espagnols. La construction du sanctuaire national de la Valle de los Caidos, à l'ouest de Madrid, en est le symbole fort. Un symbole malheureusement rejeté par beaucoup d'enfants et petits-enfants des victimes de la guerre, souvent moins enclins à connaître, à réfléchir et à pardonner que leurs ancêtres. Tous les nationalistes n'étaient pas des assassins ; tous les républicains ne l'étaient pas non plus. La politique d'épuration mémorielle de M. Zapatero, funeste président du Conseil des ministres espagnol de 2004 à 2011, a voulu rayer de la surface de l'Espagne tout souvenir de Franco et de la réconciliation que ce dernier a voulu réaliser. Et je ne parle pas de la prétendue culture contemporaine qui sélectionne bien ses œuvres d'art, nous faisant larmoyer sur le Guernica de Picasso ou sur les dernières paroles de Garcia Lorca, comme s'il n'y avait eu aucun bombardement de village nationaliste ni aucun écrivain franquiste tué en trois années de guerre civile... A d'autres !

Franco, chef d’État et chrétien


Cette insupportable "sélection historique" que veut nous imposer le prêt-à-penser libéralo-démocratique actuel nous fait retomber sur la personne de Franco. 

Il est souvent vrai que les dernières paroles d'un grand homme résument sa vie et ses actes et révèlent un visage souvent inconnu sinon déformé par ses ennemis. Comme tout homme, Franco n'était pas infaillible. Ainsi, comme Louis XIV, Napoléon et De Gaulle, pour ne citer que les plus connus, Franco a commis des erreurs. Franco était d'abord un chef militaire, qui devait faire appliquer une discipline, des règles et faire triompher ses armes. Franco fut ensuite un chef d’État, qui devait à la fois défendre un héritage (celui d'une Espagne multiséculaire, et non pas une idéologie "fasciste" comme on a voulu affirmer du franquisme) et réconcilier les Espagnols après dix années de crise et de haine. Sauf qu'on ne gouverne pas en claquant des doigts, on ne défend pas des principes en jouant au polichinelle et on ne réconcilie pas les gens à coups de promesses fantômes. Franco était un politique et non un politicien. Comme Richelieu en son temps, il avait le sens de l’État et a donné sa vie, non pour défendre une idéologie fascisante (sinon on lui aurait réglé son compte en '45), non pour s'en mettre plein les poches (à la différence des "gentils" dictateurs communistes, tels Ceaucescu et compagnie, dont les indéniables crimes ont vite été oubliés, en tout cas invisibles dans les manuels scolaires), non pour mourir en égoïste autocrate (après moi le déluge !). Si Richelieu a subi la haine de ses contemporains et si à son image sont fixés comme des sangsues culturelles les stéréotypes bien connus véhiculés depuis des siècles par certains littérateurs, Franco et son image sont confrontés aussi à une certains propagande noircissante. 


Pour saisir le personnage, comme nous le disions, il faut revenir aux dernières paroles. Voici le texte du testament de Franco :

"Au moment où arrive pour moi l’heure de rendre ma vie au Très-Haut et de comparaître devant son Jugement sans appel, je demande à Dieu de m’accueillir avec bonté en sa Présence, car j’ai voulu vivre et mourir en catholique. Mon honneur est dans le nom du Christ, et ma volonté a été constamment d’être un fils fidèle de l’Église, dans le sein de laquelle je vais mourir.
Je demande pardon à tous, comme je pardonne de tout cœur à tous ceux qui se déclarèrent mes ennemis, sans que je les tinsse pour tels. Je crois et je désire ne pas en avoir eu d’autres que ceux qui le furent de l’Espagne, Patrie que j’aime jusqu’au dernier moment et que j’ai promis de servir jusqu’à mon dernier souffle, que déjà je sais proche.
Je veux remercier tous ceux qui ont collaboré avec enthousiasme, désin­téressement et abnégation à la grande entreprise de faire une Espagne unie, grande et libre.
Pour l’amour que je ressens envers notre Patrie, je vous demande de per­sévérer dans l’unité et la paix et d’entourer le futur Roi d’Espagne, Don Juan Carlos de Borbón, de la même affection et loyauté que vous m’avez offert et de lui offrir, à tous moments, le même appui de collaboration que j’ai reçu de vous.
N’oubliez pas que les ennemis de l’Espagne et de la Civilisation chré­tienne sont en alerte. Veillez, vous aussi, et dans ce but abandonnez, face aux suprêmes intérêts de la Patrie et du peuple espagnol, tout projet personnel.
Efforcez-vous d’atteindre la justice sociale et de donner la culture à tous les hommes d’Espagne, et faites de cela votre objectif primordial.
Maintenez l’unité des terres d’Espagne, exaltant la riche multiplicité de ses régions, comme source de la solidité de l’unité de la Patrie.
Je voudrais, en mon dernier moment, unir les noms de Dieu et de l’Espagne, et vous embrasser tous, pour que nous criions ensemble, pour la dernière fois, sur le seuil de ma mort :
Debout l’Espagne ! Vive l’Espagne ! (¡Arriba España ! ¡Viva España !)"

Le Caudillo vénérant le crucifix

Évidemment, en lisant ces lignes, on imagine mal de telles paroles dans la bouche d'un horrible dictateur. On y voit d'abord tout simplement un chrétien, qui témoigne de son attachement à l’Église, de sa foi en Dieu, de sa fidélité au Christ. Et en tant que tel, tout simplement, en mortel au seuil de la mort, il demande pardon à Dieu pour ses fautes. Comme homme politique chrétien, il donne ensuite des avertissements à ses successeurs : chercher l'intérêt commun, défendre la civilisation chrétienne, faire œuvre de justice sociale, cultiver les peuples. Tout cela, n'importe quel chef d’État sensé et honnête devrait le dire. Malheureusement, en notre triste époque, il y a bien peu de chefs d’État sensés et honnêtes. Les satisfactions personnelles et partisanes ont remplacé l'intérêt commun, l'épouvantail de la démocratie est le seul et exclusif cheval de bataille civilisationnel, le socialisme décadent et suicidaire a remplacé la véritable justice sociale, l'idéologie post-moderne est le seul hochet culturel offert aux peuples. 

Francisco Franco, dans sa vie d'homme ordinaire, seul, en famille ou en société, a vécu en chrétien. Tout simplement. S'agenouillant comme le paysan de Castille, se confessant comme la fileuse de Saragosse, faisant oraison comme le moine de San Tomas d'Avila. 

Oui, mais, nous opposera-t-on, comment pouvait-il conjuguer sa foi et ses crimes ? Des crimes ? Il est trop tôt pour analyser historiquement, en toute objectivité, en dehors des passions politiques, les quarante années de son gouvernement. Certainement, comme nous le disions, il a commis des erreurs, parce qu'il n'était pas infaillible. Certainement, il s'agissait d'un régime d'autorité, bien nécessaire toutefois pour pacifier un pays déchiré. Certainement, il a usé des moyens de coercition face à une opposition farouchement hostile, et parfois dangereuse pour la sécurité de l’État. Mais est-ce que le seul fait d'être un opposant justifie toute opposition et tous moyens d'opposition ? Encore une fois, seuls les documents et témoignages authentiques, analysés avec objectivité et neutralité, peuvent nous renseigner. Mais cela prendra du temps. Il faudra nécessairement, en tout cas, relativiser la lecture historique de gauche qui prévaut sur la question franquiste depuis plusieurs décennies, de Guernica à la poignée de main avec Hitler (qui, rappelons-le, a aussi serré la main du grand mufti de Jérusalem et tant d'autres), et tout le cortège du "choc des photos" qui transforme la science historique en magazine pour abrutis.

Quoi qu'il en fût, en ce quarantième anniversaire, c'est un désir de paix qui nous rassemble autour de la mémoire de Franco. Nous venons prier pour le repos de l'âme d'un chrétien, et pas n'importe quel chrétien. Quelqu'un qui a défendu contre vents et marées la civilisation chrétienne et la culture espagnole. Quelqu'un qui, dans sa vie personnelle, a été un modèle de laïc vivant de sa foi. Quelqu'un qui a souffert pour son pays, même l'incompréhension et la haine de ses contemporains. Quelqu'un qui a sacrifié son repos au bien et à la sûreté de l’État et de ses concitoyens. Quel homme politique actuel lui arrive à la cheville ? Ne levez pas tous la main en même temps, s'il vous plaît...




jeudi 5 novembre 2015

Le roi est mort, vive le roi !

        

Ouvrons tous nos yeux
A l'éclat suprême
Qui brille en ces lieux.
Quelle grâce extrême !
Quel port glorieux !
Où voit-on des dieux
Qui soient faits de même ?

(Molière, Les amants magnifiques, 1670)



       Le 1er septembre 1715, voici trois cents ans, Louis XIV s'éteignait dans sa chambre du château de Versailles, après une longue agonie, à quelques jours de son soixante-dix-huitième anniversaire. La mort l'avait frappé, lui, qui semblait immortel, ce "plus grand roi du monde" qui brillait comme le soleil en Europe, qui avait affirmé la puissance de la France sur terre et sur mer, dont le courage n'avait pas connu d'ombre en soixante-douze ans de règne. C'est le même prince, qui avait recueilli à cinq ans le lourd et prestigieux héritage laissé par son père Louis XIII, qui fut confronté très jeune aux troubles de la Fronde ; qui paracheva l’œuvre de son parrain et mentor, Mazarin, lui-même héritier du grand Richelieu ; qui contribua à l'incontestable prestige de la France et à ce rayonnement culturel qui subsiste encore de nos jours, et dont le joyau de Versailles constitue le point d'orgue. 

        Car Versailles est bien la synthèse de la vie et de l’œuvre du grand monarque. Elle est une scène sur laquelle se produit l'Acteur principal de ce grand théâtre de la vie et de la mort, de la paix et de la guerre, des arts et des sciences, des mers et des campagnes, qu'est la France. Théâtre immortalisé par Le Brun sur les plafonds de la galerie des glaces.

         La triple mort du roi


La mort de Louis XIV, par Thomas Jones Henry Barker (vers 1835), musée A.-Lécuyer, Saint-Quentin


        En mourant, Louis XIV apparaît dans une triple dimension. Il meurt comme un roi, entouré des égards dus à son auguste fonction, conscient des devoirs de sa charge et déterminé à transmettre à son successeur, survivant d'une longue suite de deuils, le petit dauphin Louis, âgé de cinq ans, la Couronne et le lourd fardeau de responsabilités qui l'accompagne. Il meurt comme un chrétien, puisque tout ce qu'il a reçu de dignités et de privilèges sont d'abord un don de Dieu ; il s'avance vers les portes de l'éternité, devant lesquelles il devra rendre compte de sa gestion et des fautes qu'il a pu commettre durant sa vie ; il s'offre comme le pauvre homme de la rue aux secours de l’Église pour offrir son mea culpa et rendre à Dieu ce qu'il a reçu. Il meurt comme un homme, car aucun homme, fût-il un nouvel Apollon ou le plus grand monarque de l'univers, ne peut échapper à cette loi brutale et irréformable de la nature.

          Ses derniers moments, comme le soin et les attentions portées à sa dépouille mortelle, seront avant tout marqués par la présence de l’Église catholique, apostolique et romaine, dans laquelle il est né et dans laquelle il meurt, à laquelle il a toujours eu conscience d'appartenir, malgré ses péchés et ses infidélités passées, s'agenouillant comme n'importe quel autre chrétien devant l'autel et ses ministres. La préparation à la mort et les hommages funèbres proprement dits créent une rupture dans la continuité pour la fonction royale. Le roi meurt, il sera roi jusqu'à son dernier souffle, mais il abandonne les prérogatives de sa charge et les honneurs des hommes pour se retrouver seul à seul, accompagné par la prière des siens, c'est-à-dire de sa famille, de sa Cour et de ses humbles sujets, avec le Souverain Maître, le Roi des rois, le juste Juge.

        C'est après avoir reçu les sacrements de l’Église, salué et exhorté ses proches, exposé ses dernières volontés, que l'âme quitte le corps du monarque. "Le roi est mort, vive le roi". Oui, car si le détenteur du pouvoir royal a quitté le monde des vivants, le pouvoir royal demeure et est ipso facto remis au successeur légitime. Pour Louis XIV, il n'y avait pas l'ombre d'un doute malgré les inquiétudes familiales de ses dernières années de règne. Un enfant petit et fragile lui succède, mais qu'importe, la monarchie est sauve, la France est soulagée, comme au moment même de sa naissance, le 5 septembre 1638, qui fut vécue par tous les Français, des palais comme des chaumières, comme un don de Dieu. Le prénom de Louis-Dieudonné ne lui fut-il pas attribué ? Le don de Dieu est toujours présent, malgré les fautes et les faiblesses personnelles du monarque : "Je m'en vais, mais l’État demeurera toujours". Car il lui faut céder la place, en toute humilité, et transmettre ce qu'il a lui-même reçu, tout en consolant ses proches, comme ses valets en larmes près de son lit de souffrances : "Pourquoi pleurez-vous, est-ce que vous m'avez cru immortel ?" Ces paroles seront reprises par l'oratorien Jean-Baptiste Massillon dans son éloge funèbre du défunt roi.

        Louis XIV est mort. Les médecins en font l'attestation. Le curé le note dans son registre, à la date du 9 septembre. Une notice émouvante. Louis XIV succède à Jean-Louis Le Roy, un nourrisson, fils d'un marchand du Petit Montreuil. La mort est la seule égalité authentique et indiscutable. Le registre atteste de cette profonde vérité.


         Pompes royales et magnificence funèbre


        Autour de la dépouille du monarque va se développer tout un apparat régi par des règles aussi strictes que cette étiquette qu'il a lui-même codifiée avec soin pour la Cour. Ces "pompes funèbres" ne datent pas d'hier. Les rites funéraires égyptiens ou perses ne manifestaient-ils pas déjà, tous païens qu'ils étaient, l'universalité de cette croyance en l'au-delà et du respect à porter envers les morts.




         La foi chrétienne a donné à ces rites une nouvelle dimension, celle de l'espérance de la Résurrection, fondée dans le mystère de la Résurrection du Christ. Tout l'apparat funèbre, au-delà d'une certaine tristesse et de la réalité de la mort mise en scène par l'art funéraire, est profondément marqué par cette espérance du ciel.

          La dépouille mortelle du roi est d'abord remise entre les mains des embaumeurs, chargés de préparer soigneusement son corps et d'ôter, selon le vieil usage, les viscères et le cœur, qui seront précieusement conservés dans des vases déposés dans une église ou un sanctuaire cher au monarque défunt. Puis le corps est exposé solennellement sur le lit d'apparat de la chambre du roi, devant lequel les foules de courtisans vont défiler pour déposer leurs hommages. C'est aussi dans cette chambre que prélats, prêtres et religieux vont continuer leurs prières, récitant le touchant Office des morts. Au fil des psaumes récités avec une simplicité et gravité, l'âme du roi est confiée à la miséricorde de Dieu. Le De profundis est le cri de l'âme qui implore le Seigneur d'écouter son appel et de lui ouvrir les portes du Ciel.

         Pendant ce temps, la Cour a pris les vêtements du deuil. Des couleurs sombres, des ornements dépouillés de fioritures, remplacent les habits somptueux des fêtes. Ces détails du vêtement ne sont pas anodins. Ils sont l'expression de la peine liée à la mort d'un être cher. Le roi est le père de tous ses sujets. Les Français ont perdu leur père et manifestent leur tristesse filiale. La chambre royale est tendue de tapisseries noires brodées d'argent, où les fleurs de lys, symbole de la continuité monarchique, sont représentées en nombre. Ce même apparat se manifestera dans le cortège funèbre qui conduira, le 9 octobre suivant, le cercueil du défunt roi vers sa dernière demeure, le tombeau de ses ancêtres, en l'église royale de Saint-Denis.



        Magnificence et simplicité sont les deux caractères de ces pompes funèbres royales. Conscient de la difficile situation économique de la France, et tirant des leçons de ses prodigalités d'hier, Louis XIV avait mis un point d'honneur à ce qu'on ne fasse pas de dépenses extravagantes à l'occasion de ses funérailles. On aura beau chercher partout un tombeau à l'image de la grandeur de son règne, on se fourvoiera purement et simplement ! Le discret monument qui lui fut plus tard élevé dans la crypte de Saint-Denis en est la preuve.

        Sous les voûtes de l'abbatiale, tout un décorum fut installé, comme des décors pour l'ultime scène d'un théâtre funèbre. Rien de surprenant, car cela fait partie de ces "pompes" que nous avons oubliées de nos jours, et qui, loin de célébrer la gloire du défunt, célébraient celle de Dieu, maître de la vie et de la mort.


      La Messe de requiem fut enfin chantée pour accompagner le grand monarque vers le Royaume éternel. Puis son corps fut déposé dans la fosse, qui nous rappelle que "tout est vanité", comme le disait l'Ecclésiaste, lecture chère au défunt prince. Le règne de Louis XV commencera par le traditionnel deuil, qui dura plusieurs mois, un moyen de rappeler à tous la présence de son prédécesseur et de méditer sur le but de la vie de tout homme, y compris d'un roi.

        Une exposition pour retrouver le sens de la mort


      Une exposition intitulée "Le roi est mort", commémorant le tricentenaire de la mort de Louis XIV, est proposée au château de Versailles jusqu'au 21 février 2016. Un évènement à ne pas manquer ! Une présentation surprenante et enrichissante de cet apparat qui entourait les funérailles royales en France, avec de nombreux objets rassemblés et décors restitués.

      En outre, n'oublions pas que Nunquam retrorsum voit aussi dans cette exposition un moyen de toucher les intelligences et les cœurs. Les funérailles royales ne nous mettent-elles pas la réalité de la mort devant nos yeux ? Nous vivons dans un monde qui cherche de plus en plus à occulter la mort. Et pourtant, nous n'avons jamais connu société aussi morbide. La culture ambiante est imprégnée de cet esprit peu attrayant pour des âmes sensées... En contemplant les pompes funèbres de jadis, nous sommes loin des profanations quotidiennes de cimetières, de l'athéisme forcené qui veut tirer un trait sur l'au-delà, mais aussi de ce refus contradictoire de la mort. Les gesticulations annuelles autour de l'évènement commercial "Halloween" illustrent bien cette popularisation de refus de la mort. On se moque de la mort en prétendant qu'elle ne fait pas peur. Et pourtant, dès que les excitations d'un soir sont envolées, et que la mort entre de nouveau de plain-pied dans notre existence, nous avons peur et nous fuyons. Pourquoi ? Parce que nous n'avons plus la foi en la résurrection et dans le bonheur éternel promis par Dieu, parce que nous n'avons plus l'espérance qui fixe nos yeux vers l’Éternité, parce que nous n'avons plus de charité authentique vis-à-vis de nos défunts, en priant pour eux et en fleurissant leur tombe.

        En outre, s'il y a un problème religieux à la base, il y a aussi un problème d'éducation. Comment parler de la mort aux plus jeunes lorsqu'elle se produit dans la famille ? Là encore, il faut savoir trouver les mots. Et ces mots sont d'abord et avant tout des mots d'espérance, ces mots chantés par les la Messe de Requiem, dans ses mélopées grégoriennes comme dans ses interprétations polyphoniques (Campra et Biber nous plongeant dans l'ère baroque, et plus tard Mozart, Cherubini ou Fauré). Et puis, enfin, si on parle toujours aujourd'hui de "pompes funèbres", nous sommes loin des pompes de jadis. Que dire, dans la plupart de nos églises, des cérémonies au rabais, où le panégyrique du défunt remplace une homélie sur l'éternité, où les chansonnettes à deux sous ont pris la place du Subvenite et du Dies irae, où les "laïcs engagés" se sont substitués aux prêtres revêtus des beaux ornements noirs brodés d'argent ? Tout cela avait du sens jadis, pourquoi n'en aurait-il plus aujourd'hui ? La froideur administrative des funérailles "laïques", entre les salons glaciaux de certains centres funéraires et le tapis roulant du crematorium, n'aurait-elle pas suffi à prendre conscience de ce grave problème de l'occultation des cérémonies autour de la mort ? Il serait donc peut-être temps de réfléchir sérieusement sur l'importance de cette pompe qui doit entourer nos morts, pour toucher de douceur les cœurs attristés et élever les âmes vers Dieu. Il s'agit là d'une véritable mission apostolique !

vendredi 16 octobre 2015

Réforme, vous avez dit réforme ? (1)

    L'actualité de l’Église et sa médiatisation exacerbée ont créé un malaise véritable et durable dans l'esprit de beaucoup de catholiques. C'est la question même de l'autorité dans l’Église qui est placée au centre des discussions, bien au-delà des "catégories" religieuses qui sont le fruit de l'après-Concile. Beaucoup de catholiques, pas seulement de nom mais de conviction, sont inquiets et posent régulièrement une question qui devient un leitmotiv : "Mais où veut donc en venir le pape François ?"

    Il est vrai que des évènements récurrents sont on ne peut plus troublants : les interviews-dérapages à certains journaux, les conférences de presse mal encadrées, les audiences douteuses et les démentis à répétition en sont la preuve flagrante. "Est-ce que Jean Paul II ou Benoît XVI auraient agi ou parlé ainsi ?" On finit par comparer le pape actuel à ses prédécesseurs. Certains y voient un "mieux" car ils voient dans le changement de personnalité et de "leadership" - le mot anglais rapporte bien la chose - une porte ouverte à une adaptation tant espérée par eux de l’Église aux réalités d'aujourd'hui. D'autres y voient un "pire" car ils voient leurs efforts à défendre généreusement les vérités de la foi et de la morale chrétienne, dans un monde qui s'en écarte de plus en plus, comme un échec patent, en raison du peu de soutien objectif - c'est-à-dire concrétisé par des allocutions et des interventions magistérielles - d'un pape qui semble privilégier la miséricorde au détriment de la justice, la bonté au détriment de la vérité. Ainsi, les uns sont pleins d'espoir car ils réclament un changement dans l’Église - sinon un changement d’Église ; les autres sont acculés au pessimisme, voyant la fin définitive de la restauration bénédictine qui fut l'œuvre courageuse du pape Benoît XVI.

    La question centrale se résume en un mot, qui a fait couler tant d'encre et de sang au fil de l'histoire, un mot adulé et honni à la fois, un mot constructeur ou destructeur, un mot qui, s'il ne vise pas l'objectivité du vrai et du bien, devient un mensonge sinon un crime : la réforme.

    Les fausses notions de réforme


    Pour bien situer la notion objective et positive de réforme dans la doctrine et l'histoire de l'Eglise, il faut nécessairement rejeter d'emblée les fausses notions qui peuvent être recouvertes par ce mot, fausses notions qui confortent malheureusement beaucoup de soi-disant catholiques aujourd'hui. Je dis bien "soi-disant" parce qu'il nous faut constater que les catholiques baptisés ne sont pas tous de vrais catholiques. Certes, le vrai catholique n'est pas uniquement celui qui va à la messe tous les jours, qui récite neuf rosaires quotidiens, qui jeûne quatre fois par semaine et, surtout, qui passe son temps, comme le pharisien de l’Évangile, à dauber sur le voisin qui n'est pas assez catholique à son goût. Être catholique n'est pas une question de "degrés" sur une échelle de correspondances à un idéal donné. C'est une question de vivre selon sa foi. La foi est objective, elle est un tout. On ne croit pas en ceci et pas en cela, on ne fait pas son "marché spirituel" : les vérités éternelles, enseignées par le Christ et par l’Église, sont immuables et doivent s'imposer à notre intelligence : Credo. La foi n'est pas, contrairement aux élucubrations des modernistes du début du XXème siècle - qui ne se sont malheureusement pas éteints avec leur doctrine - un sentiment subjectif, mais une réalité objective. Le catholique, pour être vrai avec lui-même, doit vivre selon l'objectivité de la foi. Il s'agit non seulement de croire fermement toutes les vérités enseignées, mais d'appliquer, dans la vie quotidienne, ces vérités illustrées par le Christ dans l’Évangile et par la foule innombrable des saints au fil de l'histoire. Au fond, vivre selon la foi, c'est travailler à devenir un saint, chacun à sa place, selon les ressources, les talents, que Dieu lui a confiés depuis son baptême. Le vrai catholique accepte toutes les vérités, aime l’Église et ses pasteurs, unit sa prière à celle des autres baptisés dans l'unique prière de l’Église, Corps mystique du Christ. Le vrai catholique est aussi un "soldat du Christ", qui n'a pas peur de défendre les vérités lorsqu'elles sont attaquées par le monde, une défense qui doit se faire dans l'amour du prochain : "La vérité se fait dans la charité" enseigne saint Paul (Eph. 4, 15). Vérité et charité : les deux sont inséparables, comme l'intelligence et la volonté sont les deux facultés indissociables de l'intelligence humaine. Sans la charité, la vérité est dure et fait peur ; sans la vérité, la charité est fausse et inefficace. Toute la question de la réforme dans l'Eglise, nous le verrons, doit reposer sur ce binôme.

Saint Ignace d'Antioche, docteur et martyr de la vérité
    La première fausse notion de réforme est celle qui consiste à adapter l’Église au monde. "L’Église doit vivre avec son temps" nous ressassent les progressistes de tout poil. Cette maxime est au fond rien d'autre qu'une maxime du monde. Le temps semble être comme une charpente dilatable sur laquelle le toit doit s'adapter coûte que coûte au risque de se fissurer. Il s'agit bien évidemment d'une fausse compréhension du temps. L'homme vit dans le temps. Mais "les temps changent", comme on dit, parce que l'homme les fait changer, au gré d'un progrès intellectuel réel ou au gré des passions et d'un esprit acharné de contradiction. Car qu'est-ce que le progrès ? Un bien pour l'humanité au service du bien commun et de la finalité de la société. On ne peut pas mettre tout et n'importe quoi sous le terme de progrès. L'histoire nous montre qu'il y a eu des progrès authentiques, sociaux, médicaux, éducatifs, mais aussi des bouleversements délétères, critiqués jadis mais aujourd'hui totalement entrés dans les mœurs - et ce sera logiquement pareil demain pour ces prétendus progrès si critiqués aujourd'hui, comme la théorie du genre et autres idéologies à la mode. Les idéologies du monde, ennemies de l’Évangile et de l’Église, ont incontestablement confisqué pour elles la notion de progrès. Répandues universellement par les lobbies en tout genre, véritable quatrième pouvoir de la vie politique, elles ont souvent été subrepticement introduites dans la vie quotidienne des citoyens par le cheval de Troie de la législation. Une loi votée en catimini, à 4 h du matin, par 15 députés contre 8, aura force de loi - cette loi humaine si souvent opposée à la loi de Dieu. Et toute opposition sera désormais répréhensible. La loi conforte le prétendu progrès. L'opposition à ce progrès, taxée au fond d'obscurantisme, sera muselée par le hochet législatif. Où est la vérité, mais aussi, signe des temps, où est la liberté tant ressassée par les "hommes du progrès" ? La réponse est claire : nous marchons sur la tête, il serait peut-être temps de s'en rendre compte ! Ainsi comment l’Église doit-elle faire face au prétendu progrès. Ce progrès est prétendu, c'est-à-dire objectivement faux et nocif, parce qu'il contredit l'enseignement pérenne de l’Église sur des questions non négociables. Si, dans la discipline de l’Église, certains éléments ont changé et peuvent toujours changer au fil des siècles, en raison des évolutions concrètes - et pas toujours positives - de la société (baisse du nombre de prêtres, travail des femmes, etc.), il y a, au contraire, d'autres éléments absolument intangibles et irréformables, en ce qui concerne le domaine doctrinal de la foi et de la morale. Si la première n'intéresse pas les non-catholiques ou les hérétiques de facto qui peuplent malheureusement tant d'églises de nos jours ("je crois en ce que je veux" disent-ils), la seconde devient insupportable aux tenants de l'esprit du monde, qui ne peuvent plus tolérer, en vertu de leur grand sens de la tolérance, qu'une vieille ringarde comme l’Église n'ait pas encore reçu la définitive injection létale. Car au fond, c'est leur but, quand bien même l’Église s'adapterait à leur desiderata. Malheureusement pour eux, le Christ a affirmé que "les portes de l'enfer ne prévaudront point" (Mt 16, 18) contre son Église...

    La seconde erreur consiste en une confusion entre les notions de tolérance et d'adaptation, et une mauvaise interprétation de ces notions. Lorsque l'idée de réforme emporte celle d'une adaptation au soi-disant progrès que nous avons défini, elle trahit absolument le caractère pérenne de l'enseignement du Christ transmis à son Église. Dans la considération des évolutions de la société, le chrétien doit, éclairé par le magistère, distinguer d'une part le bien (objectif) du mal (objectif) et, d'autre part, distinguer le tolérable de l'adaptable. Si la première distinction est logiquement - malheureusement pas pour tout le monde ! - claire et immuable, la seconde est bien plus difficile à interpréter. Dans quelle mesure l’Église peut-elle concéder une modification, une dispense, un indult par rapport à la loi universelle, sans remettre en question pour autant sa profonde légitimité ? La position est donc très délicate, spécialement pour les questions disciplinaires qui touchent de près un point doctrinal non négociable. En est la parfaite illustration la question du mariage chrétien, qui fait couler tellement d'encre depuis le synode extraordinaire de 2014, et qui est actuellement replacée sur le devant de la scène ecclésiale - sinon de l'arène où combattent les gladiateurs de la foi contre les fauves du progressisme !

    Tolérer signifie avant tout, contrairement au concept moderne de tolérance forgé par les penseurs des Lumières au XVIIIème siècle, supporter un mal pour éviter un mal plus grand. Ainsi, l'édit de tolérance de Nantes promulgué par Henri IV, en 1598, avait pour but non pas de reconnaître la légitimité et la bonté intrinsèque du protestantisme, mais de permettre aux protestants de pratiquer librement et en toute sécurité leur culte afin de mettre un terme à la guerre civile qui avait ravagé la France pendant plus de trois décennies. La tolérance c'est au fond l'acceptation du moindre mal, non la reconnaissance de sa prétendue légitimité. Vouloir adapter, c'est accepter de modifier d'une réalité afin de ne pas provoquer, en raison d'évolutions ambiantes, sa disparition pure et simple. Ainsi, la modification de la discipline du jeûne eucharistique, par Pie XII, voulait sauver cette vénérable pratique en l'adaptant, sans conséquences néfastes pour elle, à la réalité d'une société en mutation (spécialement dans le domaine du travail). Adapter ne signifie pas faire perdre son authenticité à la réalité ; adapter vise le bien et ne permet pas le mal, même le moindre.

    Malheureusement, dans la pratique, la confusion est plus que troublante entre la tolérance et l'adaptation. C'est elle qui domine notamment dans le "compromis kaspérien", tentative d'ouverture sacramentelle adaptée au cas de plus en plus fréquent des dits "divorcés-remariés". La doctrine pérenne de l’Église serait-elle donc susceptible d'adaptation, comme l'enseignaient les modernistes condamnés par S. Pie X dans son encyclique Pascendi ? Dans ce cas, continuons à poser les questions. Dieu est-il adaptable ? Son enseignement, sa vérité, immuables, peuvent-ils être susceptibles de changement ? Dieu est pourtant immuable. Qu'est-ce qui doit changer ? Le concept et ce qu'il renferme essentiellement ou le langage qui l'exprime ? Le langage théologique ou ecclésiologique peut-il évoluer et s'adapter au gré des situations nouvelles ? Ne risque-t-il pas de perdre sa signification authentique ? Malheureusement, oui, un oui dramatique.

    D'où la troisième erreur, cet autre conflit provoqué par cette confusion de l'adaptation aux réalités du temps : le conflit entre doctrine et pastorale. Il ne date pas d'hier ; ce fut même un leitmotiv des oppositions réelles qui ont jalonné les sessions du Concile Vatican II, sa préparation et son application. Cinquante ans après, le conflit n'a pas été éteint, il persiste même, et les assises synodales sentent, malgré les apaisements réclamés par le pape François, une vive odeur de poudre à canon, prête à exploser du jour au lendemain. La question est si grave que certains prélats et journalistes sérieux sont foncièrement inquiets d'un risque de schisme dans l’Église.

    On nous rappelle la doctrine, mais on veut changer une discipline foncièrement liée à la doctrine (donc une discipline quasi-irréformable dans ses fondements, sous peine de bouleverser l'ordre doctrinal). Au fond, nous sommes clairement dans une idéologie sinon une hérésie : le pastoralisme, dénoncé dès les années 1950 par de grands prélats, tel le cardinal Siri, archevêque de Gênes. Le cardinal de Paolis le rappelait tout récemment : "Si la pastorale trouve son fondement en elle-même, elle devient pastoralisme et de fait négation de tous les principes" (Conférence donnée au congrès Mariage et famille, organisé à Rome par la Fondation Lepanto et l’Association Famiglia Domani). Le pastoralisme est une dénaturation de la notion de charité - au détriment de la justice - et un détournement du concept de salus animarum - au détriment de la gloria Dei, qui doit pourtant être absolument première dans l'ordre pastoral. Ce pastoralisme est en plus d'une mauvaise foi effrayante, ses tenants, le cardinal Kasper en tête, prétendant ne rien toucher à la doctrine tout en sapant ses fondements. Le pseudo-compromis des Kaspériens est l'ultime avatar de ce conflit entre doctrine et pastoral qui agite l’Église depuis une cinquantaine d'années.

Benoît XVI, un pape qui a souffert pour proclamer la vérité dans la charité
    Nous sommes confrontés, en ce sens, à de plus en plus de textes, issus de "l'enseignement romain" - pour ne pas dire magistère, étant donné que certains textes n'ont pas le style ni le contenu "classique" de l'enseignement magistériel - ou de l'enseignement épiscopal - souvent muselé ou détourné par un prétendu "enseignement des conférences épiscopales", qui, fondamentalement, n'a pas de valeur légitime, les conférences épiscopales n'étant pas détentrices d'un pouvoir d'enseignement de droit divin (à bon entendeur...). Le cardinal Burke ne soulignait-il pas, lorsqu'on lui reprochait, en tant qu'évêque aux États-Unis, de ne pas "s'aligner" sur les  positions avancées par la Conférence, qu'il aurait plus tard à rendre des comptes à Dieu et non à la Conférence ? Le pastoralisme ayant pris la tournure d'un leitmotiv dans l'enseignement actuel, on finit par ne plus voir du tout la doctrine de l’Église, spécialement la doctrine sociale traditionnelle, mise en avant. Si pour autant cette doctrine n'est pas officiellement contestée, sa mise à l'écart volontaire ne peut qu'entraîner dans l'esprit de beaucoup de gens une relativisation doctrinale. Le fameux "Qui suis-je pour juger ?" n'est-il pas un soutien manifeste - même si on peut supposer que ce n'était pas l'intention première de son auteur - à une extensibilité, et par conséquent une remise en question, du modèle doctrinal classique de l’Église ?

    Nous sommes donc dans une véritable situation de trouble pour la grande majorité des pasteurs et des fidèles amoureux de l’Église et attachés à son enseignement. Ces pasteurs et ces fidèles ne comprennent plus où l'on veut en venir. Les communiqués et les contre-communiqués de la Sala Stampa du Saint-Siège ne sont pas faits pour rassurer. Quant aux mass media, ils font des choux gras de ce qui pourra sortir d'une interview imprudente ou d'une audience inopportune du pape François... Les chrétiens fidèles, qui marchent à contre-courant depuis plusieurs décennies, qui vivent incontestablement un martyre moral pour défendre la foi et la morale chrétienne, pour eux-mêmes et leurs enfants, se sentent abandonnés et découragés par les reproches de plus en plus fréquents qu'on leur fera, les accusant de rester enfermés dans une bulle catholique. Et ne parlons pas des mots agressifs et scandaleux d'un cardinal Kasper, qui, au-delà de ses hérésies manifestes, a eu le culot de traiter les catholiques fidèles de "fondamentalistes" ! A quand sa disgrâce, qui sera évidemment indispensable pour laver l'honneur du peuple de Dieu ?

    La situation est donc explosive. Malgré les appels du pape François à l'écoute et au respect, il est trop tard. La boîte de Pandore a été ouverte faute de l'exercice clair et univoque de la plus haute autorité de l’Église. A ce déchaînement des passions "progressistes", à ce dévoilement des vrais visages, on assiste aussi à une forme de terreur. Oui, c'est la peur qui règne à Rome depuis un certain temps. Peur de perdre sa place pour l'ambitieux, peur d'être réduit au silence pour le docteur fidèle, peur d'être jeté en pâture aux médias pour le pasteur soucieux du salut éternel de ses brebis. Les démentis de certains signataires du "Manifeste des treize cardinaux" en sont la preuve. Certains pères synodaux par contre ont le courage de leur amour de l’Église et du Christ "jusqu'au sang", comme ces évêques africains ou asiatiques, qui ne sont pas tombés dans le panneau du mirage occidental. Ainsi en est-il du courageux archevêque d'Astana, au Kazakhstan, Mgr Lenga, qui a fait montre, en pleine assemblée synodale, du courage de la vérité, en des termes qui sont aux antipodes de la langue de bois ecclésiastique actuelle :

    "Certains pères synodaux n’ont pas correctement compris l’appel du pape François à la discussion ouverte et ont commencé à mettre en avant des idées qui contredisent la Tradition bimillénaire de l’Église, enracinée dans la Parole éternelle de Dieu. Hélas, on perçoit encore l’odeur de ces « fumées de Satan » dans certains paragraphes de l’Instrumentum laboris ainsi que dans les interventions de certains pères synodaux cette année."

    La clef du problème réside dans ce mal ambiant du relativisme, qui touche malheureusement jusqu'au Collège cardinalice. Benoît XVI a passé son quart de siècle à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et ses sept années de pontificat à dénoncé cette maladie du siècle et ses conséquences dans l’Église. Les tergiversations synodales sont la preuve claire que l'enseignement d'un certain nombre d'évêques est explicitement teinté de relativisme, moral ou doctrinal. Quand on entend un archevêque de Lille évoquer avec des trémolos dans la voix les semina verbi, donc une sorte de présence divine, au sein des modèles familiaux contemporains, en contradiction claire et nette avec la famille chrétienne, il y a de quoi sauter au plafond ! Comment veut-on encourager ceux qui vivent dans le péché à commencer un chemin de conversion si on insiste sur la prétendue valeur positive de leur situation actuelle ? Si l’Église ne veut pas la mort du pécheur, elle condamne le péché : elle ne conforte pas celui-ci sous prétexte de ne pas décourager le pécheur ! Cette vérité "pastorale" qui a traversé les siècles et fait couler le sang de tant de glorieux martyrs ne semble plus être au goût du jour... Espérons que les paroles incontournable du prophète Isaïe mettront un peu de plomb dans la cervelle de ces sinistres rêveurs : "Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal !" (Is 5, 20). Car au fond c'est toute la théologie du péché, du bien et du mal qui est en train d'être bousculée.