samedi 21 novembre 2015

Les quarante ans de la mort de Francisco Franco

Nous fêtons cette année le quarantième anniversaire de la mort de Francisco Franco y Bahamonde (1892-1975), Caudillo d'Espagne, qui a gouverné le royaume de 1939 à sa mort. Je me rappelle avoir prié avec émotion sur sa tombe, en la basilique de la Valle de los Caidos, voici quelques années, pour lui et pour tous les Espagnols qui sont tombés pour ce noble pays, de quelque bord qu'ils fussent, durant la tragique guerre civile de 1936-1939.

Le personnage de Franco a fait couler beaucoup d'encre, et il continuera à en faire couler. Comme tous les hommes politiques d'une certaine droite forte, nationaliste, protectionniste, d'inspiration catholique, il est arbitrairement rangé dans l'album de la damnatio memoriae, au même titre que les Hitler, les Mussolini et les Staline. Si la critique interne et externe de son gouvernement s'est peu faite entendre durant sa vie, c'est un véritablement déferlement médiatique, culturel et politique qui cherche, depuis quarante ans, à défigurer sa mémoire, à en faire un tyran, une brute sanguinaire, un déséquilibré dangereux, et caetera. Sans compter que c'est un bon moyen de s'en prendre une fois encore à l’Église catholique, en l'accusant de protéger les "méchants fascistes" contre les "gentils communistes", et j'en passe, on connaît la chanson.

Face à une vision unique de l'histoire


Ce n'est pas en quelques lignes que nous allons remettre les pendules à l'heure. Si nous n'acceptons pas de voir sa personne clouée au pilori, nous ne cherchons pas non plus à le porter aux nues - Dieu seul est juge ! L'objectivité historique et la vision catholique (équilibrée, intelligente et dénuée de tout préjugé) de l'histoire doit fonder notre critique. Et cette critique n'a pas peur des sirènes d'une certaine censure contemporaine, qui, au nom de la lutte contre les négationnismes et révisionnismes de toute sorte (pas tous, semble-t-il, la Vendée par exemple n'en faisant pas partie), interdit toute honnête réflexion historique. Cette même critique qui va ranger systématiquement Franco dans la catégorie des "méchants dictateurs", sur la base d'une histoire stéréotypée de la guerre civile d'Espagne et du régime franquiste, foncièrement "droitophobe" et anti-catholique. C'est toujours pareil. Sur la question de la guerre civile, pour ne m'arrêter là, il suffit d'abord de rappeler qu'il s'agit d'une guerre civile, et non d'un putsch militaire, opposant entre eux les enfants d'un même pays. Dans une guerre civile, il faut choisir son camp et ne pas tergiverser. En tant que catholique, je ne peux pas avoir d'autre solution que de suivre les nationalistes. Pourquoi ? Parce que les autres, les républicains, avaient pendant cinq ans (1931-1936), et ensuite, pendant les trois années sanglantes qui suivront, non seulement engagé une politique de division, mais aussi déclaré une véritable guerre à l’Église catholique, en profanant les églises, en dépouillant de leurs biens les couvents, en insultant, brutalisant sinon massacrant de nombreux clercs et fidèles. Il suffit de savoir compter ! Voilà le dénombrement (en 2008) des catholiques tués en haine de la religion, certains ayant ensuite été béatifiés par l’Église : plus de 10 000 catholiques ont été martyrisés, dont 12 évêques, une trentaine de séminaristes, plus de 4140 prêtres, 2635 religieux et 238 religieuses et environ 3000 laïcs. Après cela, qu'on ne me parle pas en noir et blanc des "gentils républicains" et des "méchants nationalistes" ! Je laisse la parole au sage pape Pie XI, qui dénonçait, loin des détours et contorsions intellectuelles de notre époque, "la haine satanique de Dieu professée par les républicains".  L'historien espagnol Bartolomé Benassar écrivait que cette persécution n'était pas juste un débordement lié à un temps d'anarchie, mais qu'il "existait bel et bien un projet de destruction de l'Église catholique et de la religion". N'en déplaise à ces gesticulateurs improvisés historiens qui se glorifient de leurs thèses négationnistes en la matière... Voici quelques photos illustrant bien la réalité de cette persécution :

Des cercueils de religieuses profanés à Barcelone en 1936
Les dignes fils de la Révolution en pleine profanation. De gentils inconscients ?
Un prêtre exécuté en 1936. Nous émeut-il moins que F. Garcia Lorca ?
La question ne se pose même pas pour moi, en tant que catholique : je ne peux pas tolérer les agissements des Rojos, je ne peux que prendre le parti des Azules. Évidemment, cela ne peut pas dire que je soutiens les exactions commises durant la guerre : si je condamne absolument les crimes des républicains, je ne peux approuver ceux des nationalistes. Dans toute guerre, il y a des exactions, des vengeances, exacerbées au fil des jours et des mois d'un conflit qui s'enlise. L’Église a toujours condamné les exactions. C'est pourquoi, dans le bilan de cette guerre, n'allons pas trop vite en besogne, en faisant grossir les chiffres pour faire connaître le "vainqueur ès atrocités" du conflit. Après une guerre, on cherche la paix. Franco a voulu cette paix, a voulu réconcilier les Espagnols. La construction du sanctuaire national de la Valle de los Caidos, à l'ouest de Madrid, en est le symbole fort. Un symbole malheureusement rejeté par beaucoup d'enfants et petits-enfants des victimes de la guerre, souvent moins enclins à connaître, à réfléchir et à pardonner que leurs ancêtres. Tous les nationalistes n'étaient pas des assassins ; tous les républicains ne l'étaient pas non plus. La politique d'épuration mémorielle de M. Zapatero, funeste président du Conseil des ministres espagnol de 2004 à 2011, a voulu rayer de la surface de l'Espagne tout souvenir de Franco et de la réconciliation que ce dernier a voulu réaliser. Et je ne parle pas de la prétendue culture contemporaine qui sélectionne bien ses œuvres d'art, nous faisant larmoyer sur le Guernica de Picasso ou sur les dernières paroles de Garcia Lorca, comme s'il n'y avait eu aucun bombardement de village nationaliste ni aucun écrivain franquiste tué en trois années de guerre civile... A d'autres !

Franco, chef d’État et chrétien


Cette insupportable "sélection historique" que veut nous imposer le prêt-à-penser libéralo-démocratique actuel nous fait retomber sur la personne de Franco. 

Il est souvent vrai que les dernières paroles d'un grand homme résument sa vie et ses actes et révèlent un visage souvent inconnu sinon déformé par ses ennemis. Comme tout homme, Franco n'était pas infaillible. Ainsi, comme Louis XIV, Napoléon et De Gaulle, pour ne citer que les plus connus, Franco a commis des erreurs. Franco était d'abord un chef militaire, qui devait faire appliquer une discipline, des règles et faire triompher ses armes. Franco fut ensuite un chef d’État, qui devait à la fois défendre un héritage (celui d'une Espagne multiséculaire, et non pas une idéologie "fasciste" comme on a voulu affirmer du franquisme) et réconcilier les Espagnols après dix années de crise et de haine. Sauf qu'on ne gouverne pas en claquant des doigts, on ne défend pas des principes en jouant au polichinelle et on ne réconcilie pas les gens à coups de promesses fantômes. Franco était un politique et non un politicien. Comme Richelieu en son temps, il avait le sens de l’État et a donné sa vie, non pour défendre une idéologie fascisante (sinon on lui aurait réglé son compte en '45), non pour s'en mettre plein les poches (à la différence des "gentils" dictateurs communistes, tels Ceaucescu et compagnie, dont les indéniables crimes ont vite été oubliés, en tout cas invisibles dans les manuels scolaires), non pour mourir en égoïste autocrate (après moi le déluge !). Si Richelieu a subi la haine de ses contemporains et si à son image sont fixés comme des sangsues culturelles les stéréotypes bien connus véhiculés depuis des siècles par certains littérateurs, Franco et son image sont confrontés aussi à une certains propagande noircissante. 


Pour saisir le personnage, comme nous le disions, il faut revenir aux dernières paroles. Voici le texte du testament de Franco :

"Au moment où arrive pour moi l’heure de rendre ma vie au Très-Haut et de comparaître devant son Jugement sans appel, je demande à Dieu de m’accueillir avec bonté en sa Présence, car j’ai voulu vivre et mourir en catholique. Mon honneur est dans le nom du Christ, et ma volonté a été constamment d’être un fils fidèle de l’Église, dans le sein de laquelle je vais mourir.
Je demande pardon à tous, comme je pardonne de tout cœur à tous ceux qui se déclarèrent mes ennemis, sans que je les tinsse pour tels. Je crois et je désire ne pas en avoir eu d’autres que ceux qui le furent de l’Espagne, Patrie que j’aime jusqu’au dernier moment et que j’ai promis de servir jusqu’à mon dernier souffle, que déjà je sais proche.
Je veux remercier tous ceux qui ont collaboré avec enthousiasme, désin­téressement et abnégation à la grande entreprise de faire une Espagne unie, grande et libre.
Pour l’amour que je ressens envers notre Patrie, je vous demande de per­sévérer dans l’unité et la paix et d’entourer le futur Roi d’Espagne, Don Juan Carlos de Borbón, de la même affection et loyauté que vous m’avez offert et de lui offrir, à tous moments, le même appui de collaboration que j’ai reçu de vous.
N’oubliez pas que les ennemis de l’Espagne et de la Civilisation chré­tienne sont en alerte. Veillez, vous aussi, et dans ce but abandonnez, face aux suprêmes intérêts de la Patrie et du peuple espagnol, tout projet personnel.
Efforcez-vous d’atteindre la justice sociale et de donner la culture à tous les hommes d’Espagne, et faites de cela votre objectif primordial.
Maintenez l’unité des terres d’Espagne, exaltant la riche multiplicité de ses régions, comme source de la solidité de l’unité de la Patrie.
Je voudrais, en mon dernier moment, unir les noms de Dieu et de l’Espagne, et vous embrasser tous, pour que nous criions ensemble, pour la dernière fois, sur le seuil de ma mort :
Debout l’Espagne ! Vive l’Espagne ! (¡Arriba España ! ¡Viva España !)"

Le Caudillo vénérant le crucifix

Évidemment, en lisant ces lignes, on imagine mal de telles paroles dans la bouche d'un horrible dictateur. On y voit d'abord tout simplement un chrétien, qui témoigne de son attachement à l’Église, de sa foi en Dieu, de sa fidélité au Christ. Et en tant que tel, tout simplement, en mortel au seuil de la mort, il demande pardon à Dieu pour ses fautes. Comme homme politique chrétien, il donne ensuite des avertissements à ses successeurs : chercher l'intérêt commun, défendre la civilisation chrétienne, faire œuvre de justice sociale, cultiver les peuples. Tout cela, n'importe quel chef d’État sensé et honnête devrait le dire. Malheureusement, en notre triste époque, il y a bien peu de chefs d’État sensés et honnêtes. Les satisfactions personnelles et partisanes ont remplacé l'intérêt commun, l'épouvantail de la démocratie est le seul et exclusif cheval de bataille civilisationnel, le socialisme décadent et suicidaire a remplacé la véritable justice sociale, l'idéologie post-moderne est le seul hochet culturel offert aux peuples. 

Francisco Franco, dans sa vie d'homme ordinaire, seul, en famille ou en société, a vécu en chrétien. Tout simplement. S'agenouillant comme le paysan de Castille, se confessant comme la fileuse de Saragosse, faisant oraison comme le moine de San Tomas d'Avila. 

Oui, mais, nous opposera-t-on, comment pouvait-il conjuguer sa foi et ses crimes ? Des crimes ? Il est trop tôt pour analyser historiquement, en toute objectivité, en dehors des passions politiques, les quarante années de son gouvernement. Certainement, comme nous le disions, il a commis des erreurs, parce qu'il n'était pas infaillible. Certainement, il s'agissait d'un régime d'autorité, bien nécessaire toutefois pour pacifier un pays déchiré. Certainement, il a usé des moyens de coercition face à une opposition farouchement hostile, et parfois dangereuse pour la sécurité de l’État. Mais est-ce que le seul fait d'être un opposant justifie toute opposition et tous moyens d'opposition ? Encore une fois, seuls les documents et témoignages authentiques, analysés avec objectivité et neutralité, peuvent nous renseigner. Mais cela prendra du temps. Il faudra nécessairement, en tout cas, relativiser la lecture historique de gauche qui prévaut sur la question franquiste depuis plusieurs décennies, de Guernica à la poignée de main avec Hitler (qui, rappelons-le, a aussi serré la main du grand mufti de Jérusalem et tant d'autres), et tout le cortège du "choc des photos" qui transforme la science historique en magazine pour abrutis.

Quoi qu'il en fût, en ce quarantième anniversaire, c'est un désir de paix qui nous rassemble autour de la mémoire de Franco. Nous venons prier pour le repos de l'âme d'un chrétien, et pas n'importe quel chrétien. Quelqu'un qui a défendu contre vents et marées la civilisation chrétienne et la culture espagnole. Quelqu'un qui, dans sa vie personnelle, a été un modèle de laïc vivant de sa foi. Quelqu'un qui a souffert pour son pays, même l'incompréhension et la haine de ses contemporains. Quelqu'un qui a sacrifié son repos au bien et à la sûreté de l’État et de ses concitoyens. Quel homme politique actuel lui arrive à la cheville ? Ne levez pas tous la main en même temps, s'il vous plaît...




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