lundi 9 novembre 2020

Calamitas calamitatum ou billet d’humeur à l’américaine (1)

Après deux ans d'absence, nous voici de retour !

Un Français qui réfléchit sur la politique américaine, ça peut faire toujours sourire. Pourquoi s’intéresser aux États-Unis ? Parce que ce pays a toujours été en avance par rapport au reste du monde occidental, dans le bien comme dans le mal ; parce que l’Europe vit globalement, sans oser l’avouer, au diapason des évolutions politiques, économiques, sociales et sociétales de ce vaste pays, qui est comme le thermomètre sinon le sismographe des progrès – ou des régressions érigées en progrès – de l’humanité. C’est tout le fonds du messianisme américain, qui trouve sa source dans les puritains du Mayflower, qui s’ancre dans une vision religieuse, téléologique de la raison d’être des États-Unis, qui « doivent diriger le monde en portant le flambeau moral, politique et militaire du droit et de la force, et servir d’exemple à tous les peuples[1]. » Le flambeau moral de la statue de la Liberté consiste en cette exemplarité de la nation américaine, comme base fondamentale d’une « colonisation » morale de l’humanité tout entière. Si, en Europe, nous pouvons contester cet apanage messianiste, nous devons néanmoins reconnaître que l’influence américaine reste encore aujourd’hui décisive quant aux évolutions du monde entier. Ainsi, notre regard porté sur l’Amérique et les tristes évènements qui viennent de se dérouler, doit être un regard d’évaluation et d’anticipation, car la France comme l’Europe vivent mutatis mutandis une situation similaire, une impasse politique, sociale et économique, aggravée par le facteur Covid et sa manipulation médiatico-politique, le grand prétexte pour imposer le mystérieux « monde d’après » – pas si mystérieux que ça d’ailleurs. Nous voyons ainsi tout l’intérêt de groupes de réflexion et d’analyse, tel le Comité Trump France, qui, ce que nous apprécions sans réserve, a le courage de dire ce qu’il pense[2].

Tristes jours que cette première et interminable semaine de novembre 2020. Une nouvelle fois, osons le dire, c’est le monde tout entier qui se trouve plongé dans les ténèbres d’un avenir inquiétant. La fin d’une époque. Cette année, la Thanskgiving aura des allures de banquet funèbre. Que sera le monde d’après-janvier 2021 ? Nous n’augurons pas grand-chose de bon, et c’est un euphémisme. Mais pourquoi, me direz-vous, ce discours apocalyptique ? C’est bien simple pourtant, la réponse est : ils ont gagné. Mais qui sont « ils » ?

La revanche de l’establishment

La sinistre victoire des démocrates à l’élection présidentielle américaine de novembre 2020 n’est pas sinistre pour tout le monde. J’entends d’ici, sans même allumer la radio ou la télévision, sans même lire les coupures des journaux français mainstream, du Monde au Figaro, en passant par Ouest-(F)rance, la fameuse serpillère des cathos de gauche, j’entends ici les cris de joie, l’émotion incomparable, le délire collectif répandus au-delà même le territoire américain, des ministères aux chambres, des universités aux loges, des syndicats aux évêchés (oui j’ose le dire) : Trump est mort, vive Biden !

Car c’est bien une victoire, assouvie après quatre années de bourrage de crâne, quatre années de haine, quatre années de mépris. La gauche américaine a réussi à abattre le colosse qui semblait insubmersible, par la magie des urnes, en dépit de la popularité et des résultats du mandat du Donald.

Cette victoire des démocrates est d’abord une victoire américano-américaine. C’est la victoire de l’establishment. Qu’est-ce que l’establishment ? En 1955, Henry Ferlie en parlait comme de « la matrice des relations officielles et sociales au sein de laquelle le pouvoir s’exerce[3]. » Car l’establishment impose son pouvoir au sein des institutions qu’il domine – on l’a vu avec la Cour suprême avant la nomination des trois juges conservateurs par Trump – et de tous les réseaux sociaux qu’il engage et qui l’assistent en échange – les médias et les lobbies en première ligne. Une sorte de féodalité politique contemporaine, l’esprit chevaleresque en moins… La définition de Philip Thody est encore plus percutante. Pour lui l’establishment désigne un « groupe puissant de nantis, de gens en place qui défendent leurs intérêts et l’ordre établi[4]. » La dimension oligarchique – et même ploutocratique – est clairement manifestée avec le soin primordial des intérêts du groupe – et de leurs partenaires « vassaux » précités – et le maintien d’un « ordre établi » qui n’est rien d’autre que le système, ce Léviathan politique, économique et social qu’on cherche à maintenir à tout prix sans tenir compte du bien commun, des légitimes intérêts des nations et de l’authentique justice sociale.

Ah que Trump ne plaisait pas aux grands ténors de l’establishment américain ! Il n’était pas un des leurs, ne faisait pas partie de leur petit cercle, mais ce magnat de l’immobilier, ce présentateur de téléréalité propulsé on the political stage, et qui, par son aura médiatique (en dépit des médias), par son charisme inégalé, par la confiance qu’il a su inspirer aux millions d’Américains victimes de la désastreuse politique du bien-aimé (sic) Obama, a gagné l’élection 2016 face à l’incarnation même de l’establishment, crooked Hillary, l’inquiétante multimillionnaire, l’ambitieuse ex-première dame, l’implacable secrétaire d’État du pacifique (re-sic) Barack.

Si Trump peut parfois objectivement agacer par son style – un style sur lequel il joue stratégiquement comme d’un imperium charismatique – est-ce bien une raison pour s’acharner sur lui avec une spontanéité aussi féroce ? En tout cas tout est une raison pour les cerbères de l’establishment. Car il fallait rejeter Donald, son langage anticonformiste, sa parole libre, ses intuitions à rebours de la doxa globaliste et politiquement correcte, pour revenir à l’incomparable éthique de Dems en mal de pouvoir, les pauvres victimes de l’abominable cauchemar du 8 novembre 2016 auquel il fallait tôt ou tard mettre un terme. Ils n’étaient pas les seuls en plus : la grande fraternité mondiale des démocrates en marche ne pouvait supporter le locataire de la Maison Blanche. Comment faire rentrer dans le club fermé des puissants de ce monde cet homme étonnant, imprévisible, fantasque ? Et puis il y a la machine à assassiner : les mass media, toujours présents pour taper sur la victime expiatoire au goût du jour. « Trump les a rendus fous » écrit Antonio Socci : « Contre lui est venue à la lumière, sans plus de poses hypocrites, toute la machine de la haine internationale qui s'étend du Deep State américain au système médiatique, déstabilisés par ce président qui démolit la dictature du politiquement correct[5]» Le Deep State, l’état profond, est l’incarnation, la citadelle même de l’establishment. Du Pacifique à la Méditerranée, tous unis, dans une internationale du papier et de la télévision, contre Trump le fou, Trump le clown[6], Trump le goujat, Trump le machiste, Trump le raciste, Trump le mauvais, le « méchant par antonomase » pour reprendre l’expression bien ciblée de Riccardo Cascioli[7]. Quatre années de moqueries gratuites, se réduisant au final à gloser sur la couleur de la robe de Melania, sur la cravate de Donald, sur le sweat shirt de Barron. Tout passe aux rayons X de ces spécialistes en tout et en n’importe quoi qui dégoisent sur les colonnes ou sur les écrans. Un exploit journalistique, un sens aigu de l’information… du niveau de Closer ou de VSD. Génialissime. Par contre, les progrès économiques, la baisse du chômage, les résolutions de paix au Moyen Orient – si fragiles soient-elles – et la sécurisation des frontières : nada ! Pourquoi dire du bien de l’ennemi à abattre ? Pourquoi transmettre à nos lecteurs et auditeurs des informations positives, vraies ? Désinformation, quand tu nous tiens !

Il est vrai que personne n’aurait oser se faire la tête du dieu Obama. Ah quel modèle ! Je les entends ici, les yeux pleins de larmes à moins qu’ils soient complètement shootés : « Quel couple merveilleux Barack formait avec Michelle, la romance inédite du Rose Garden, une sitcom de huit années qu’on regrette avec déchirement. Et puis Barack, lui, il ne se comportait pas comme le plouc new-yorkais à la mèche blonde. Un modèle. Un exemple. [Snif] Même quand il mettait ses jambes sur le bureau de l’Oval office, alors qu’en d’autre temps Billy courtisait les stagiaires. Ah Billy, toi aussi tu nous manques, et la merveilleuse Hillary, qui aurait pu être la première femme président des États-Unis, inaugurant peut-être une ultime saison de Dallas au 1600 Pensylvannia Avenue. Un rêve parti en fumée… Heureusement il reste le joker, la carte du vieux Joe, cet aristocrate de la politique américaine : 47 ans au compteur, du jamais vu, et papi tient toujours le choc. C’est lui le sauveur de l’Amérique, que dis-je, le sauveur de l’humanité face au fasciiiiste Donald ! » Rideau. Applause.

Voilà l’establishment, l’entre-soi des politicomaniaques, de la Californie au New Jersey, qui veut durer, qui veut survivre, qui veut le pouvoir éternel, avec toute la corruption qui l’accompagne, avec toutes les concessions à l’esprit progressiste qui donne le ton outre-Atlantique depuis tant d’années avant de se diffuser dans le reste du monde. Voilà ce contre quoi Trump a lutté dès sa campagne de 2016 : l’Obamacare, la destruction de l’industrie américaine, le chômage et son cortège de misères, les failles d’un système entretenu par l’acharnement thérapeutique de l’establishment, le fanstasme utopique de l’immigrationisme sans bornes, l’illusion du bien lointain American dream, les guerres sans fin entretenues par les administrations successives – ce dernier succès faisant de Trump « le président le plus pacifique depuis la fin de la guerre froide[8] » souligne Alexandre del Valle. Et j’en passe. Et le vieux Joe est l’héritier de tout ce grand bazar, lui qui fut le vice-président d’Obama pendant 8 années, l’animateur zélé des guerres sans fin de l’Amérique : il est l’establishment incarné pour ne pas dire momifié. Pour Trump, au contraire, il fallait restaurer le seul slogan capable de redonner à l’Amérique son identité et sa dignité propre : Make American Great Again. Quatre mots puissants, capables de servir de modèle aux autres nations, comme l’a rappelé Donald dans un de ses messages de campagne. Mais ces quatre mots, l’establishment n’en voulait pas, les démocrates les vomissaient, les républicains progressistes en avaient honte. Et pourquoi ? Parce que le bien de l’Amérique est toujours du côté de l’establishment. Parce que aussi la vraie moralité politique ne peut sortir de son cercle étroit. Dès lors, face à Trump, le vieux Joe s’est érigé en moralisateur d’une politique américaine prétendument galvaudée par Donald. Il a été intronisé comme l’icône adorée des médias.



[1] Déclaration du sénateur Jesse Helms en 1996, cité in Philip S. Golub, « La tentation unilatérale des États-Unis », Le Monde diplomatique, juillet 2001.

[2] https://www.trumpfrance.com/

[3] « By the 'Establishment', I do not only mean the centres of official power — though they are certainly part of it — but rather the whole matrix of official and social relations within which power is exercised.» Henry Fairly, in The Spectator, 23 septembre 1955.

[4] Philip Thody, Le Franglais: Forbidden English, Forbidden American: Law, Politics and Language in Contemporary France, A&C Black, 2000, p. 123.

[5] Antonio Socci, « La vittoria di Trump e la rabbia dei suoi nemici. Un grande presidente per liberarsi dalla dittatura politically correct », Blog Lo Straniero, 1er novembre 2020. Traduction par le site benoit-et-moi : http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/11/02/trump-les-a-rendus-fous/

[6] http://oldgaffer.canalblog.com/archives/2020/11/08/38636998.html

[7] http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/11/07/les-elections-presidentielles-aux-usa-sonnent-la-fin-de-la-democratie/

[8] https://www.youtube.com/watch?v=gu37RzS_yE8

[9] http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/11/07/les-elections-presidentielles-aux-usa-sonnent-la-fin-de-la-democratie/

[10] « But the political insider […] said fraud is more the rule than the exception. » Jon Levine, « Confessions of a voter fraud: I was a master at fixing mail-in ballots », New York Post, 29 août 2020.

[11] « You have a postman who is a rabid anti-Trump guy and he’s working in Bedminster or some Republican stronghold … He can take those [filled-out] ballots, and knowing 95% are going to a Republican, he can just throw those in the garbage. » Ibid.

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