dimanche 13 décembre 2015

Réforme, vous avez dit réforme ? (2)

         Continuons notre réflexion sur la question brûlante de la réforme de l’Église. Un autre argument central de la pensée des "herméneutes de la rupture" est celui caché sous le reluisant vernis de ce qu'on désigne depuis peu la synodalité. Un néologisme en quelque sorte, puisqu'on ne le trouve pas dans un dictionnaire digne de ce nom, mais qui cache toute une ecclésiologie à rebondissements, et nous rappelle que la crise de l'Eglise est fondamentalement une crise de nature ecclésiologique.

        Qu'est-ce que la synodalité ?

        Disséquons un peu ce mot bizarre, cette nouvelle perle du jargon ecclésiastique contemporain dont on nous rebat les oreilles depuis cinquante ans... 

         Synodalité vient du mot synode. Là dessus, M. de La Palice n'aurait pas dit mieux. La notion de synode est par contre une notion ancienne et vénérable au cœur de l’Église. Synode vient du latin synodus, lui-même du grec "synodos" (de "sun", avec, et "hodos", la route). Le synode signifie donc littéralement "faire chemin ensemble" (expression à la mode dans les bouches ecclésiastiques contemporaines), à l'image des disciples accompagnant le Seigneur sur le chemin d'Emmaüs. Bien sûr, il ne faut pas s'arrêter à l'étymologie, comme certains qui vont utiliser ce subterfuge pour donner une nouvelle signification à un terme ancien en faisant croire qu'il s'agit de sa signification originelle (le fameux archéologisme, encore à la mode depuis un demi-siècle, en liturgie particulièrement). 

      Le synode désigne donc concrètement une réunion, une assemblée des membres du clergé autour de l'évêque diocésain ou de l'archevêque métropolitain. Lorsque nous ouvrons le Cérémonial des évêques promulgué en 1600 par le pape Clément VIII, nous avons un chapitre décrivant les rites liturgiques à suivre à l'occasion de la réunion d'un synode diocésain ou provincial. De même, dans le Pontifical romain du même Pontife, nous avons les prières exactes associées à cette cérémonie. Une telle liturgie nous représente l'ancienneté de cette institution synodale, qui est loin d'être une simple réunion pour maniaques de la "réunionite" aiguë, qui triomphe depuis quelque temps dans les diocèses occidentaux... 

Le Concile de Trente (1545-1563), un synode déterminant pour l'histoire de l’Église

       Au terme de ces assemblées proprement ecclésiastiques, l'évêque ou l'archevêque métropolitain, en union avec ses suffragants (les évêques des diocèses dépendant de sa métropole), promulguait un certain nombre de décisions conformes aux questions spécifiques traitées à l'occasion du synode, qu'on appelait les statuts synodaux. Il suffit de lire les nombreux exemples conservés dans les archives diocésaines, paroissiales ou départementales, pour constater la qualité de travail et l'intérêt proprement religieux de ces assemblées et de leurs fruits. Rien à voir avec les grandes réflexions social(ist)es et écologiques à la mode dans le soi-disant magistère épiscopal (et même plus haut) contemporain... 

      A une échelle plus élevée dans l’Église, le synode devient le concile. Dès les premiers siècles de l’Église, il était fréquent que les évêques se réunissent entre eux (concile provincial ou "national") ou sous l'autorité du Pontife romain, reconnu dans sa primauté doctrinale et juridictionnelle sur l’Église universelle (concile œcuménique ou plénier), pour résoudre des difficultés d'ordre doctrinal ou disciplinaire regardant en fin de compte l'ensemble des baptisés. On ne peut pas faire l'impasse sur les grands conciles théologiques des premiers siècles, qui ont forgé la doctrine chrétienne en assurant le "développement homogène" de la foi (Nicée, Constantinople, Éphèse, Chalcédoine, etc.). On ne peut pas oublier les grands conciles médiévaux et modernes qui ont continué à préciser cette doctrine en donnant des critères disciplinaires décisifs pour la sanctification des prêtres, des religieux et des fidèles, tout en combattant ces erreurs et ces égarements qui cherchaient à briser l'unité de l’Église qu'on appelle les hérésies (Latran IV, Lyon II, Florence, Trente). 

      Le concile (le synode) a donc une vocation de souligner d'une manière particulière l'unité de l’Église, mais une unité autour de principes immuables, à travers des "rappels" adaptés au problème des mutations culturelles et sociales, non pas une unité "à tout prix" au risque de concessions perpétuelles aux évolutions du monde. Cette unité est foncièrement et visiblement représentée par le fondement de l'autorité dans l’Église, celui à qui le Christ a remis perpétuellement un pouvoir unique et inséparable, Pierre, le Souverain Pontife, le Pape, le chef de du Collège apostolique et de l’Église universelle. 

     La notion de primauté a dérangé tout au long de l'histoire de l'histoire. Elle a dérangé les hérésiarques qui ont rejeté cette garantie pour prendre la voie d'une liberté d'esprit débridée, autrement dit la voie de l'orgueil et de la désobéissance. Elle a dérangé certains princes qui ont vu dans le Pape un compétiteur qui se mêlait de leurs affaires et les empêcher d'assouvir leurs ambitions dominatrices. Elle a aussi malheureusement dérangé des ecclésiastiques mêmes, qui, sous prétexte de réforme institutionnelle, ont mis en oeuvre une sorte de compromis ecclésiologique qui s'est avéré un échec : le conciliarisme.

       Le conciliarisme est une thèse développée au XVème siècle suite à la grave crise que fut le Grand Schisme d'Occident, qui divisa la Chrétienté de 1378 à 1417, avec des obédiences autour de deux ou trois papes choisis simultanément. Évidemment, cette division préjudiciable à l'unité de l’Église était plus politique que religieuse, les princes choisissant leur "poulain" en fonction des jeux d'alliances et d'oppositions. Le concile de Constance (1417) a mis un terme au schisme, en imposant l'abdication des trois papes et en élisant un nouveau et unique Souverain Pontife, Martin V. Tout cela avait malheureusement discrédité le pouvoir pontifical et invité les princes rebelles à se relancer dans les vieilles querelles des investitures. Ad intra, même, certains en étaient venu à affirmer la nécessité de réunir un concile quasi-permanent pour contrebalancer le pouvoir pontifical et prévenir tout risque de schisme ultérieur. Malheureusement, cette théorie, dite conciliarisme, élaborée lors du concile de Bâle (1431), loin d'assurer la stabilité de l'institution pontificale, jouait un véritable rôle de contre-pouvoir, suscitant divisions internes et suspicions permanentes, et finissait par faire prévaloir le concile sur le Pape. Finalement, une crise conciliaire succédait au Grand Schisme, et fut définitivement résolue par le pape Jules II au Concile de Latran V, en 1517, qui condamna expressément la doctrine conciliariste.

Le bienheureux Pie IX (1792-1878), le pape de l'infaillibilité

         On était donc revenu dans l'affirmation du primat pontifical. Mais cela n'empêcha pas les attaques fréquentes des partisans d'une certaine indépendance des Églises locales, qu'on peut désigner par le nom de gallicanisme, théorie plus politique que religieuse qui, en France surtout, entraîna de graves conflits entre le roi et le pape. Sans entrer dans cette question complexe du gallicanisme, il ne faut pas oublier que cette théorie triompha lors de la Révolution française avec la Constitution civile du clergé, qui entérinait un schisme concret de l’Église de France (qu'on appellera l’Église constitutionnelle) avec Rome. Déjà auparavant s'était réuni le fameux synode de Pistoia (1786), réuni à l'initiative du grand-duc Léopold de Toscane (futur empereur Léopold II). Ce synode, établi sur les principes condamnés du joséphisme (sorte de gallicanisme radical à l'autrichienne), voulait réaffirmer l'autorité des Églises locales (diocèses) aux dépens de Rome, abolir une partie des ordres religieux, réformer la liturgie, convoquer un concile permanent à l'échelle nationale. Le pape Pie VI réagit énergiquement et condamna les propositions du funeste synode en 1794.

       Au XIXème siècle, siècle de reconstruction religieuse après la tornade de la révolution, le pouvoir pontifical connut un nouvel éclat, spécialement en la personne de Pie IX, qui réunit un concile œcuménique au Vatican (1870-1871), au cours duquel fut proclamé le dogme de l'infaillibilité pontificale : 

     Nous enseignons et proclamons comme un dogme révélé de Dieu :
    Le pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l'Église, jouit par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l'Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église.
    Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu'il soit anathème. (ch. IV)
        Le concile fut interrompu par l'attaque de Rome par les Piémontais. Il manquait donc un complément ecclésiologique concernant l'épiscopat, ce dont se chargea le deuxième concile du Vatican.

       Malheureusement, entre-temps, les doctrines conciliaristes étaient sorties de l'oubli. Le libéralisme sous toutes ses formes avaient aussi, ne l'oublions pas, fait de grands ravages dans la pensée ecclésiastique, et ce malgré les condamnations des papes, spécialement celles de saint Pie X. Nous n'entrerons pas ici encore dans les mécanismes subtils de cette "contamination intellectuelle" qui continue de faire les ravages que l'on sait au sein du clergé et des fidèles. Sur le seul plan ecclésiologique, le modernisme a voulu imposer un contrepoids à l'autorité suprême de Rome. Il suffit de lire les écrits de certains théologiens, pas seulement les traités proprement théologiques mais aussi les mémoires et les lettres, pour se rendre compte de cette haine viscérale de Rome, de la Curie, du Saint-Siège, du primat et de l'infaillibilité, autant de réalités vénérables qui faisaient écumer ces possédés de l'esprit de réforme systématique.

         Et là le Concile Vatican II arriva, tel un deus ex machina pour ces machinateurs de l'ombre, qui ont trouvé la brèche où se glisser pour infuser le poison de leur ecclésiophobie. La minorité rebelle et orgueilleuse a finalement converti à sa pensée la majorité respectueuse et honnête, qui s'est laissée berner par l'enthousiasme quasi-extatique des "années-Concile". Le 21 novembre 1964, Paul VI promulguait la Constitution Lumen gentium "sur le mystère de l'Eglise", après d'inlassables querelles et tergiversations. La veille de la promulgation, des cardinaux, bouleversés par le danger de certaines propositions avancées dans le document conciliaire, vinrent faire le siège du pape pour réclamer l'ajout d'une note explicative préliminaire (Nota explicativa praevia) donnant une précision vitale rétablissant le primat du pape. Pour la première fois dans l'histoire de l’Église, un document conciliaire était assez ambigu pour obliger une explication simultanée ! Drôle de clarté pour un langage soi-disant "adapté à notre temps"... Sans cette note, le conciliarisme triomphait et retirait subrepticement au pape une grande part de ses attributions comme Pasteur suprême de l’Église. En effet, le chapitre III présentait plus ou moins l’Église comme un collège de membres égaux, dont le pape n'était qu'un président délégué, et non plus comme le principe de la communion hiérarchique tirant son pouvoir directement de Dieu (à la différence des autres évêques). 

       Malheureusement, la Nota ne fit qu'exacerber les pulsions anti-romaines de nos modernistes, qui, à travers le concept de collégialité, ont entraîné les ravages que nous connaissons et qui risquent malheureusement de s'aggraver.

      L’Église au risque de la collégialité

      Après ce petit aperçu historique de l'ecclésiologie catholique, venons-en au fait : la question de la collégialité, qui se confond en somme avec la notion nouvelle et extravagante de "synodalité". 

      Revenons-en à ce terme étrange de synodalité. Néologisme certes, dont on veut nous faire croire qu'il représente une réalité traditionnelle de l’Église. Bref, un retour aux sources de l’Église, ce doux rêve des réformateurs, qui estiment que la perfection de l’Église des premiers siècles a été perdue aux siècles suivants. Tant qu'à faire, pour jouer au chrétien des premiers siècles, on n'a qu'à porter une toge et dire la messe dans les catacombes... Bref, fidèles à leurs grotesques élucubrations, nos archéologistes chevronnés avancent que la synodalité, au sens de la tragi-comédie romaine d'octobre dernier, est un fondement de l’Église. Pire encore, si aucun pape n'a employé ce terme jusqu'aujourd'hui, il semble qu'on veuille en faire depuis quelques mois une nouvelle vérité dogmatique, voire une nouvelle note de l’Église, "une, sainte, catholique, apostolique... et synodale !". Synodale ayant remplacé romaine, ne nous leurrons pas...

       La synodalité désigne, dans l'esprit touffu de nos "réformateurs françoisiens", une décentralisation de l'autorité dans l’Église (un peu comme la décentralisation des compétences de l’État en France) au profit d'institutions intermédiaires désormais consacrées (alors que ce ne sont que des créations récentes, nullement de droit ecclésiastique et encore moins de droit divin), les conférences épiscopales. Cette décentralisation passe par une "réforme de la papauté" (pape François), dont on ne sait pas ce qu'elle va signifier concrètement, mais aussi une réforme de la Curie, qui passe déjà par le limogeage intensif que l'on connaît, accéléré par les coups de bâton assénés en permanence contre les "malades" qui se traînent au Vatican. Cette décentralisation correspond à cet "aller-vers les périphéries". On ne veut plus que Rome soit le centre. On veut accorder des attributions doctrinales aux conférences épiscopales. On veut faire de l'inculturation le moteur même de l'évangélisation. Mais comment sinon en adaptant à tout-va l'enseignement de l’Église, et spécialement la discipline et la morale, en fonction des évolutions locales. Nous avons évoqué dans notre premier chapitre cette question brûlante de l'adaptation. 

Le cardinal Kasper. Non, Éminence, ne criez pas victoire trop vite !

            Une synodalité ainsi exprimée reflète-t-elle une réalité traditionnelle de l’Église ? On ne saurait le croire sans renier mille ans d'histoire de l'Eglise, avec cette fâcheuse habitude de taper du sucre sur le dos de ses prédécesseurs en vertu du syndrome de la "repentance" à toutes les sauces. Comme on tape d'ailleurs sur la Curie devant les journalistes, pour faire croire qu'on veut la transparence, alors qu'on donne au contraire le bâton pour se faire battre... La synodalité est une revanche contre l'histoire, contre Latran V, contre Vatican I, contre la Nota explicativa praevia. Cinquante ans après le dernier concile, les ravages du libéralisme ont encore plus contaminé l'épiscopat et le Sacré-Collège, dont certains sont devenus des adeptes invétérés, osant même devant les caméras prôner des doctrines qui leur auraient valu une déposition en règle, une relégation dans un couvent ou, en d'autres temps, le cul de basse-fosse du Castel Sant'Angelo.

          Les premiers siècles heureusement ne mangeaient pas de ce pain synodal. Leur "synodalité à eux" était tout autre. D'ailleurs, elle a subsisté, d'une manière différente, dans les Eglises orientales, pour des raisons historiques. Si en Occident, le primat romain s'est imposé sur les Eglises locales, en Orient, nous avons à faire à de grandes provinces ecclésiastiques gouvernées par des patriarches (en communion avec Rome pour les non-schismatiques), au sein desquelles sont prises les décisions disciplinaires, sont précisées les notions doctrinales et sont élus les évêques. L'élection (le choix) des évêques a toujours été une question complexe. En Europe, en certains lieux encore, a subsisté l'élection des évêques par les chapitres diocésains, avant la validation (ou le refus) par le Pontife romain. Malgré tout, on sait que les épiscopats proposent les noms des candidats à l'épiscopat aux nonciatures, qui les transmettent à Rome pour être soumis au choix ultime du Souverain Pontife. La primauté reste toujours (même si, malheureusement, la liste initiale a parfois tendance à rester dans une optique de cooptation). La synodalité orientale n'a donc absolument rien à voir avoir nos gesticulations synodales d'octobre dernier.

         Allons plus loin. Si la "théorie de la synodalité"  - appelons-là ainsi pour cerner le problème qui nous occupe - conteste le primat et réhabilite le conciliarisme condamné, pour finalement tout transformer dans l’Église et ouvrir la porte à tous les bouleversements doctrinaux et disciplinaires qu'on peut craindre, ne faut-il pas objectivement la combattre ? La répondre est claire : oui. Mais alors, faut-il combattre le pape François ? La réponse est aussi claire : non ! Parce que ce que veulent les tenants de cette théorie, c'est justement de bouleverser le trône pétrinien, de provoquer les désunions internes, de faire de Rome une nouvelle Rome, la Rome synodale. La fidélité à l’Église et à son enseignement ne peut nous inviter, en aucune façon, à prendre la voie de la contestation de l'autorité pontificale. Il faut combattre la théorie avec les armes de l'intelligence, comme d'éminents clercs et laïcs l'ont fait jusqu'ici, au risque de perdre leur crédit ou leur poste. La décentralisation que cache la synodalité n'est pas juste une réforme structurelle, un perfectionnement institutionnel. L’Église n'en a pas eu besoin durant des siècles, pourquoi en aurait-elle besoin aujourd'hui ? Surtout à l'âge du numérique et d'internet, les contacts entre Rome et les "périphéries" vont vite. Cette décentralisation synodalisante n'est rien d'autre qu'une déstructuration centripète. L'unité visible (et fondamentale) de l’Église se fonde sur Pierre. Punto e basta. Si Pierre n'est plus qu'un référent honorifique, qu'un porte-parole suprême, qu'un président délégué, alors le fondement se craquelle et l’Église s'écroule. Nous l'avons vu au cours de ce dernier synode. On a laissé parlé librement tout le monde sans modération. Résultat, faute de direction ferme du Docteur universel, une décharge d'hérésies en tout genre a été versée dans l'aula synodale. Par des évêques en plus. On imagine donc ce que ça donnera en dehors de Rome !

L'Eglise, face aux tempêtes, doit s'appuyer sur l'Eucharistie et sur la Vierge Marie

      Une authentique réforme de l’Église ne joue pas sur ce terrain mouvementé de la synodalité. Elle suppose d'établir le juste équilibre, comme d'habitude, qui passe par ce qu'on peut appeler l'humilité ecclésiale. L'humilité du Pontife romain qui accepte sa charge telle qu'elle est et l'exécute fidèlement, avec sa personnalité, mais en mettant ses propres idées sous le boisseau, et sans chercher à changer tout dans l’Église (qui suis-je pour tout changer ?). L'humilité des évêques, qui manifestent une soumission totale à l'enseignement pérenne de l’Église, et qui, unissant la vérité à la charité, touchent les âmes par la douceur de l’Évangile, et non par l'hypocrisie mondaine. L'humilité des fidèles qui, loin d'exiger des changements dans l’Église, comme des syndicalistes surexcités, acceptent fidèlement et courageusement le joug et le fardeau du Christ. Car le Christ nous l'a dit. La fidélité à sa personne et à son enseignement n'est pas facile. C'est un joug et un fardeau. Mais, si nous l'acceptons humblement, le joug sera doux et le fardeau léger. 

       La vraie réforme passe aussi par l'adaptation équilibrée dont nous parlions. Ce n'est pas le sens des mots que nous devons changer, comme le font les Kasper et compagnie, maîtres dans l'art de la dissimulation terminologique. Nous avons vu les conséquences graves du changement des mots dans les idéologies (révolution française, marxisme, fascisme, etc.). En jouant avec les mots, on peut faire passer tout et son contraire. L'explication des vérités de la foi, comme nous l'ont montré les Pères et Docteurs de l’Église, passe par la conservation de concepts possédant la signification la plus authentique possible. Les mots "consubstantiel" et "transsubstantiation" sont immuables. Pourquoi au XXIème siècle, on les comprendrait moins qu'au XVIème siècle ? Il suffit ensuite de les expliquer avec un langage simple, intelligemment adapté, mais le plus conforme possible. L'explication de la foi interdit l'approximation et l'ambiguïté ! Le langage de la synodalité, malheureusement, nous a montré le contraire. 

       Quant au fait de déléguer certaines attributions au niveau local, on peut comprendre la légitimité d'une telle proposition. D'une part, les Congrégations romaines ne sont pas au fait de tout ce qui peut se passer dans le moindre village d'Amazonie ou de Mongolie, et une certaine marge de manœuvre doit être déléguée pour empêcher des retards néfastes au progrès de l'évangélisation. D'autre part, les décisions romaines, exprimées dans le sens de l'unité, devraient tenir compte plus souvent des particularismes locaux qui, sans réclamer une dérogation à la loi commune, exigent, pour que les lois de l’Église soient efficacement et positivement mises en œuvre, une certaine adaptation. Seulement la question se pose : en quoi les conférences épiscopales seraient plus efficaces que Rome, dès lors que Rome porte un intérêt plus concret aux questions locales ? En outre, si l'on confiait aux conférences épiscopales nationales certaines attributions disciplinaires et doctrinales, cela exige de manière absolue le droit de veto du Saint-Siège, des échanges fréquents entre la Curie et les conférences, une transparence totale des informations, des compte-rendus réguliers aux Congrégations romaines. Sans cela, c'est la porte ouverte à l'anarchie, à la désagrégation de l'unité, à la création d’Églises autocéphales omnipotentes, bien souvent au détriment des simples évêques (soumis aux desiderata des conférences), en tout cas au détriment du bien de l’Église universelle. 

       Qu'est-ce donc que l’Église au risque de la synodalité, sinon la tunique du Christ qui risque une fois pour toutes d'être bel et bien coupée en deux ? Heureusement, "les portes de l'enfer ne prévaudront point", et, après cet hiver que traverse l’Église, le printemps d'une authentique réforme surgira. C'est par l'Eucharistie et par la Vierge Marie que l’Église se sortira du mirage de la synodalité.

mercredi 2 décembre 2015

Noël à l'allemande

Non ce n'est pas une pièce d'orgue du XVIIIème siècle. C'est le beau spectacle que nos amis Allemands, et ceux qui ont la chance de visiter ce beau pays durant l'Avent, ont devant leurs yeux pendant ces semaines préparatoires à Noël. Si les forcenés du laïcisme veulent jeter la crèche aux orties de notre côté du Rhin, traversons le fleuve pour voir la place qu'occupe cette belle fête de Noël chez nos voisins, qui n'ont pas ce genre de scrupules paranoïaques !

Outre les belles crèches qui ornent en Allemagne les églises, les places et les maisons, nous avons aussi ces beaux marchés de Noël (Weihnachtsmärkte), qu'on trouve un peu chez nous, surtout dans l'est et le nord de la France. Rien à voir avec ces artificielles devantures éblouissantes des magasins de jouets en tout genre (et du plus mauvais d'ailleurs) et les bousculades surexcitées des hypermarchés ! Le marché de Noël allemand a lieu dans le cœur historique des villes, dans un cadre exceptionnel (les Allemands savent mettre en valeur leur patrimoine, tirons-en des leçons !), qui donne une touche festive, sacrée et traditionnelle à ce temps de préparation à la Nativité. 

Les marchés de Noël allemands ne datent pas d'hier. L'un des plus anciens, celui de Dresde, a été fondé par l'électeur Frédéric II de Saxe, en 1434.  Par la suite, ils se multiplièrent, permettant aux travailleurs des montagnes de venir vendre les jouets en bois confectionnés par leurs soins. Le marché de Noël est donc une tradition pluriséculaire.

Il faut donc y aller pour les voir, en dégustant quelques Christollen (eh oui, vous avez bien lu "Christ", messieurs les laïcards !) et un bon verre de Glühwein (ça ne peut pas faire de mal !), en flânant entre ces boutiques offrant les plus belles réalisations de l'artisanat traditionnel et de bonnes idées de cadeaux pour les fêtes qui approchent. Et n'oublions pas de contempler ces clochers imposants illuminés et ces maisons à colombage, qui font la fierté des cités allemandes, et de pénétrer dans ces églises gothiques et baroques, d'une propreté à faire rougir de honte les communes françaises, véritables joyaux d'art et de prière.

Voici quelques vues des principaux marchés de Noël en Allemagne. Asseyez-vous et contemplez avant d'acheter votre billet !

Le marché de Brême, ville hanséatique baignée par la Weser

Le marché de Dresde, capitale de la Saxe royale, sous la neige

Le marché de Francfort (sur-le-Main)

Le marché d'Heidelberg, au pied des ruines du château des Électeurs palatins

Le marché de Cologne, dominé par la splendide cathédrale gothique

Le marché de Munich, au cœur de la catholique Bavière

Le marché de Nuremberg, joyau du gothique allemand
Le marché de Bad Wimpfen, en Bade, ancienne ville libre impériale

Le marché de Hamelin, sur la Weser, en Basse-Saxe - la ville du joueur de flûte (Rattenfänger)

Retour dans le nord, avec le marché de Lübeck, la "reine de la Hanse", sur la mer Baltique (petit clin d’œil !)