dimanche 9 octobre 2016

Un portraitiste flamand oublié : Jakob Ferdinand Voet

Nous avons fait récemment la connaissance d'un peintre anversois, spécialiste du portrait, dont les talents et la renommée ont certainement été éclipsés par ses prodigieux contemporains de l'école baroque flamande (Vlaamse barokschilderkunst), Cornelis de Vos (1584-1651) ou Frans Snyders (1579-1657), et des héritiers de Van Dyck. Ce peintre mystère est Jakob Ferdinand Voet, né à Anvers aux alentours de 1639, et décédé à Paris en 1689. 

Jakob Voet, Autoportrait, v. 1670.

Comme la plupart des peintres de son temps, Voet s'est rendu à Rome auprès d'artistes flamands partis dans la Ville éternelle pour puiser inspiration et techniques dans le trésor artistique italien et fonder des écoles pour y former les jeunes peintres et graveurs des Pays-Bas. Voet s'établit en 1679-1680 auprès du graveur utrechtois Cornelis Bloemaert (1603-1692), fils du célèbre peintre maniériste Abraham Bloemaert (1564-1651). Il dut quitter Rome à cause d'un scandale suscité par certains portraits féminins, et, après des escales à Milan, Florence, Turin et Lyon, et un bref retour à Anvers, il prit le chemin de Paris où il s'installa définitivement en 1686. Il y obtint le titre convoité de peintre de la Cour.




Ses talents de portraitiste lui valurent une renommée certaine à la Cour pontificale et dans l'aristocratie romaine. Il reçut notamment la protection spéciale de la reine Christine de Suède (1626-1689), qui s'était installée à Rome après son abdication en 1654. En 1671-1672, il composa, à la demande du cardinal Flavio Chigi, une série de portraits des femmes de la haute société romaine, connue sous le nom de Galleria delle belle. Parmi ces belles représentations mettant en valeur la délicatesse et le fraîcheur de la féminité, nous pouvons noter les portraits des nièces de Mazarin, en particulier ce duo d'Hortense Mancini (1646-1699), duchesse de La Meilleraye et favorite du roi Charles II d'Angleterre, et sa sœur Marie (1639-1715), princesse Colonna, l'ancien amour de jeunesse de Louis XIV. 



La période étant celle du retour à l'antique, Hortense n'a pas hésité à se faire représenter sous les traits d'Aphrodite et de Cléopâtre, dans deux portraits où une certaine négligence vestimentaire ne faisait que mettre en valeur la séduisante personnalité de celle qui allait être la favorite du roi d'Angleterre.


Le vêtement étant un élément essentiel pour manifester le rang social des personnes, Jakob Voet n'a pas manqué de le mettre en valeur dans la plupart de ses tableaux, manifestant toute l'élégance de la mode aristocratique dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Le portrait de Lucrezia Ruffo di Bagnara (1661-1722), épouse d'un marquis espagnol, en est un bon exemple :

Lucrezia Ruffo di Bagnara

Les portraits des cardinaux romains manifestent quant à eux la profondeur d'âme et la magnificence associée à la "pourpre" dont ils étaient revêtus et qui faisait d'eux des "princes de l’Église". On remarquera notamment les tableaux représentant les cardinaux Federico Baldeschi Colonna (1625-1691), préfet de la Congrégation du Concile, et Luis Manuel Fernández de Portocarrero-Bocanegra y Moscoso-Osorio (1635-1705), vice-roi de Sicile et futur archevêque de Tolède.

Le cardinal Baldeschi Colonna

Le cardinal Fernández de Portocarrero
Quant aux hommes de l'aristocratie italienne et française, ils n'ont pas été négligés par le pinceau si goûté de l'artiste flamand. Voet y conserve encore son style propre : le portrait de buste, où toute l'attention se porte sur le sujet en raison de la présence d'un fond neutre ou sombre, qui permet de concentrer l’œil et l'esprit sur le personnage en évitant toute distraction sur un éventuel décor. L'attention aux moindres détails du visage, de la chevelure et du vêtement est accompagnée d'une prodigieuse fluidité du pinceau. Voici une petite sélection de ses principales œuvres. Il est à souligner que les sujets représentés sur une grande partie des tableaux de Voet n'ont pas été identifiés.

Portrait d'un jeune homme élégant, v. 1685.
Le prince Marcantonio Colonna, v. 1679-80.
Portrait de gentilhomme au jabot de dentelle.

Philippe de Vendôme, Grand prieur de France.

Portrait de gentilhomme au col de dentelle.

François-Michel Le Tellier, Marquis de Louvois.

Il est clair que Jakob Ferdinand Voet est un portraitiste à redécouvrir. Outre les collections privées, ses œuvres sont réparties dans plusieurs musées européens, notamment la National Gallery de Londres, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, ainsi que les musées des Beaux-Arts d'Alençon et de Paris (Petit Palais).


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